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- Membre : Leningrad, Leonid Fiodorov

AUKTYON - Kak Ia Stal Predatelem (1989)
Par SASKATCHEWAN le 1er Novembre 2017          Consultée 1557 fois

Le troisième album d’AUKTYON, Kak ia stal predatelem (« Comment je suis devenu un traître ») est aussi le premier à avoir connu une sortie officielle. Jusqu’alors, le collectif n’avait publié que des magnitoalbums, à savoir des bandes de magnétophone qui circulaient sous le manteau en URSS. Leur nouvel opus aurait pu connaître le même sort, sans l’intervention de la France. Oui, mesdames et messieurs, la France ! Il se trouve que notre joyeuse bande avait été invitée début 1989 par le ministère de la Culture pour faire une tournée dans nos riantes contrées. C’était la pérestroïka, et l’Europe de l’Ouest se prenait de fièvre russe comme à la Belle Epoque.

Pour pouvoir préparer le public français à la venue d’AUKTYON, le label parisien Volya Productions avait eu l’idée de sortir en France le dernier magnitoalbum du groupe avec quelques retouches. Quelques mois plus tard, c’est la version française qui a débarqué sur le marché soviétique, éditée en vinyle par la maison de disque d’Etat Melodiya. Pour une formation aussi confidentielle en dehors de son Leningrad natal, c’était une véritable aubaine !

Le principal changement dans l’effectif du combo concerne le chanteur : Rogojine a été remplacé par Evgueni Diatlov, qui a apporté son violon avec lui. Ce sont aussi les premiers pas du percussionniste Pavel Litvinov et du guitariste Dimitri Matkovski avec AUKTYON. Suite à ce chamboulement, le côté ska s’évapore un peu, la new-wave prend le dessus, tandis que le rock « dur » devra patienter jusqu’à l’arrivée de Boris Chaveïnikov pour le réenregistrement de V Bagdade vsio spokoïno.

En attendant, c’est la mascotte Garkoucha qui se charge d’ouvrir l’album avec « Maltchik kak Maltchik », courte composition véhémente où le grand échalas donne toute la mesure de sa démence. C’est là l’une de ses meilleures fantaisies, bien meilleure en tout cas que « Bomby » qui suit quelques pistes plus loin. Le petit nouveau Diatlov ne démérite pas non plus, avec des parties vocales épatantes sur « Okhotnik » et « Leti, leïtenant ». Son jeu de violon apporte beaucoup à certains morceaux. C’est le cas par exemple de la conclusion de « Polka (sosyot) », où ses développements élégants prennent progressivement le pas sur le babillage de Garkoucha.

Par rapport à Vernis v Sorrento, la fine équipe des bords de la Néva semble avoir franchi un palier. Les compositions sont plus riches (« Vetcher Moï ») ; les textes sont plus travaillés (la superbe « Oskolki »). Sur « Nepman », AUKTYON se risque même à faire un peu de politique : le parallèle est évident entre cet homme enrichi par la NEP*¹ et les entrepreneurs enrichis par la pérestroïka dans des combines plus ou moins honnêtes. La sopilka*² bondissante et la batterie agressive achèvent de donner corps aux fanfaronnades de ce parvenu intemporel.

Toutes les compos ne sont pas parfaites, évidemment. La sensualité de « Liza » n’est pas vraiment au point ; « Polka (sosyot) » tâtonne longuement avant de décoller. Ces petits malins d’AUKTYON ont une fois de plus placé leur meilleur morceau en fin d’album pour emporter la décision. Quelle petite merveille que cette « Novogodniaïa pesnia » (« Chanson du Nouvel An ») ! On est comme happés par l’atmosphère inimitable des lendemains de fête en Russie, quand la cour d’immeuble, pleine de neige, se transforme en terrain de jeu pour les enfants, tandis que les adultes soignent leur gueule de bois. Un traître en long manteau s’y promène toutefois, il louvoie au rythme du saxophone, dégoûté jusqu’au parjure par cet hiver qui n’en finit pas et par ces célébrations que l’on rejoue jusqu’à la nausée.

On voudrait employer le terme d’« album de la maturité », mais on n’ose pas. Pas encore. Peut-être jamais d’ailleurs. AUKTYON pose juste là le patron qui servira à confectionner ses grands albums des années 1990. C’est déjà une raison suffisante pour s’y intéresser.


*¹ La NEP, Novaïa Ekonomitcheskaïa Politika, ou Nouvelle politique économique, est une série de réformes lancée par Lénine, qui, dans un éclair de lucidité inhabituel, avait compris qu’il fallait un peu lâcher du lest sur la collectivisation pour permettre à l’URSS de se relever de la Guerre civile. Les « nepmen » sont les personnes qui se sont enrichies dans le commerce à cette période, avant que Staline n’arrive au pouvoir à la fin des années 1920.
*² Sopilka : flûte de bois traditionnelle en Ukraine.

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   SASKATCHEWAN

 
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- Evgeni Diatlov (chant, violon)
- Leonid Fiodorov (chant, guitare, claviers)
- Oleg Garkoucha (chant)
- Dimitri Matkovski (guitares, sitar)
- Dimitri Ozerski (claviers)
- Viktor Bondarik (basse)
- Nikolaï Roubanov (saxophones, sopilka)
- Pavel Litvinov (percussions)
- Igor Tcheridnik (batterie, percussions)


1. Maltchik Kak Maltchik
2. Okhotnik
3. Oskolki
4. Vetcher Moï
5. Liza
6. Bomby
7. Nepman
8. Leti, Leïtenant
9. Novogodnaïa Pesnia



             



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