Nous sommes en 1976, DALIDA revient d’un tournant disco réussi mais avec Femme Est La Nuit, elle est ailleurs. Elle livre un album ni tout à fait variété traditionnelle ni franchement moderne. Il n’y a ici ni véritable tube, ni déclaration spectaculaire, seulement un assemblage de chansons intimistes, entre nuits pop et élégies orchestrales, souvent mélancoliques, parfois expérimentales. On y retrouve la collaboration de Pascal Sevran, Serge Lebrail, Vito Pallavicini ou même Toto Cutugno.

L’ouverture "Femme Est La Nuit" est signée entre autres par Pascal Sevran et Toto Cutugno. Sur un rythme disco aux percussions régulières et synthétiques, DALIDA semble rayonner. Sa voix épouse parfaitement la chanson. Malgré cela, le morceau tourne un peu en rond à l’écoute répétée et la boucle rythmique disco finit par lasser.

Puis, l’album bascule dans la tonalité bien plus intérieure de "Comme Si Tu Revenais D’un Long Voyage", une ballade presque cinématographique. DALIDA chante l’absence avec douceur. Les arrangements – cordes caressantes, harmonies – retrouvent l’esthétique traditionnelle de la chanson réaliste française, avec une touche de théâtre dans la mise en scène émotionnelle. Un même ton se retrouve plus loin dans "Tables Séparées", autre moment fort de l’album. Ici encore, DALIDA évite la grandiloquence, portée par un piano minimaliste et des cordes discrètes. "Il y a Toujours Une Chanson" se veut hommage au pouvoir consolateur de la musique, avec une structure plus pop et rythmée, quelques cordes piquées et un refrain chanté avec conviction.

Le cœur du disque évoque la variété des années 70 avec des arrangements pop orchestrés bâtis autour de pianos mélodiques, de guitares feutrées et de sections de cordes élégantes. "Les Clefs De L’amour" s’ouvre sur un piano en arpèges, nu, intime, avant de s’élever en un arrangement riche. La voix de DALIDA y est aérienne. Elle plane. Dans "Amoureuse De La Vie", autre chanson de cette veine, la construction est plus lumineuse, les harmonies plus affirmatives. On y entend l’écho de la variété italienne dans l’élan d’un refrain optimiste.

"Captain Sky" est le plus surprenant, boites à rythmes, effets électroniques, chœurs presque robotiques, DALIDA s’y projette en voyageuse interstellaire, amoureuse d’un capitaine de l’espace. Une expérimentation disco-futuriste, plutôt audacieuse pour une artiste de sa génération, tout en gardant sa voix comme ancrage émotionnel.

L’on plonge franchement dans l’introspection avec "Comme Si Tu Etais Là" construite autour du piano. La voix y est plus grave. L’arrangement n’évolue presque pas, l’immobilité fait partie du propos. "Voyages Sans Bagages" prolonge ce sentiment. Guitare acoustique, notes suspendues, tempo ralenti, on touche ici à une sagesse désabusée. Enfin, "Et Tout Ces Regards" qui s’ouvre sur un vers de Paul Verlaine clôt l’album comme un rideau lentement tiré. C’est une ballade lente aux arrangements réduits à l’essentiel : cordes sombres, piano discret, quelques cuivres. DALIDA s’y montre grave et douce entre chanté et parlé. Une sortie digne dans un style qui lui va bien.

Ce disque ni festif, ni consensuel, se vit comme un journal intime orchestré qui témoigne de la maturité artistique de DALIDA et de son goût pour les atmosphères, les silences, les soupirs, le tragique. Il se distingue par sa cohérence esthétique, la teinte feutrée qui traverse chaque morceau, du plus pop au plus tragique.