Voilà que DALIDA apparaît drapée d’une longue robe à paillettes bleue, silhouette droite tournée vers un passé qu’elle s’apprête à réinventer. Le ton est donné : velours, lumière et mémoire. Portée par le succès de sa reprise disco "J’attendrai", l’année passée, Orlando l’invite à aller plus loin en faisant d’un album entier un hommage dansant au répertoire ancien entre variété française et pulsations disco. DALIDA, qui a déjà traversé la chanson française, le yé-yé, les prémices de la pop, les ballades orientales, du folklore, s’aventure et s’approprie maintenant dans ce qu’on pourrait appeler le disco tragique. L’écrin se nomme Coup De Chapeau Au Passé, œuvre hommage mais esthétique.

Nous y retrouvons "J’attendrai" dévoilée sur l’album précédent. Elle pose le décor avec son phrasé légato dramatique. Ce titre sert de pont entre les sonorités classiques et l’énergie disco qui irrigue Coup De Chapeau Au Passé.

C’est une houle de souvenirs que nous offre "La Mer". L’introduction rappelle une musique de film. L’orchestration symphonique lente et ample prend son temps, cordes soyeuses, harpe délicate, bois feutrés, tout concourt à créer une atmosphère suspendue. Le tempo est ralenti, chaque refrain est étiré comme un souffle et la voix de DALIDA y glisse profondément mélancolique. Cette interprétation n’est plus la carte postale d’antan, ni la vague guillerette de Charles TRENET. C’est une mer calme, un miroir trouble des souvenirs. DALIDA y est humble narratrice, élégante laissant à la musique le soin de faire émerger l’émotion.
Elle réinterprète pour la deuxième fois "La Vie En Rose" dans une version plus atmosphérique. La ligne mélodique est étirée alanguie, la musique s’y fait plus légère. Dans cette même veine, "Parlez Moi D’amour, Mon Amour" adaptation du classique de Lucienne Boyer, suit une démarche similaire. La voix glisse doucement sur un arrangement musical résolument plus moderne, avec des touches de guitare électrique des accords légèrement jazzy par moments, une ambiance de salon parisien nocturne baignée d’un spleen discret. DALIDA y caresse les mots.

Au milieu de ces relectures de standards immortels, "Maman" est une chanson personnelle, enregistrée au début des années 60, intégrant ainsi son propre passé. L’arrangement est minimaliste entre synthé, moments percussifs et quelques cordes retenues, la chanson est une lettre suspendue dans le vide.

La mécanique subtile du disque se révèle avec "Que Reste-t-il De Nos Amours ?" où le souvenir se transforme en mouvement. Les arrangements misent sur l’élégance avec un cadre orchestral soigné, des cuivres feutrés, un piano simple. La tristesse devient élégante, pas de drame mais une douceur un peu floue. DALIDA chante avec une retenue précieuse, un demi souvenir mélancolique dans la voix avec une forme de grâce flottante.

L’exotisme y trouve aussi sa place, avec une trilogie latine qui mêle couleurs chaudes, rythmes souples, groove teinté de disco pour un cocktail sensuel et entraînant. "Besame Mucho", emblématique boléro mexicain au romantisme brûlant se voit ici transformé en ballade disco pop moirée. Les cordes, synthétiseurs vaporeux et surtout cette basse pulsée qui anime la chanson offrent une fusion entre la mélancolie du boléro et une esthétique plus moderne. Les chœurs féminins ajoutent de la chaleur à la voix de DALIDA. Une modernisation réussie et respectueuse, transmettant l’énergie dansante du disco et transformant la chanson en quelque chose de presque cosmique. "Amor, Amor" suit cette lignée et allie rumba chic et disco rétro. La mélodie serpente avec souplesse sur des percussions latines, une guitare électrique discrète, une basse et une orchestration aux accents disco mais orchestraux. Un disco latin expressif qui joue sur la douceur du groove. "Tico, Tico" conserve son énergie latine. Sur un rythme sautillant, le piano percussif vif revisite ce classique brésilien avec ses arpèges rapides et ses gammes tourbillonnantes. La chanson devient un interlude pétillant, injectant une fièvre tropicale joyeuse et espiègle qui contraste avec les morceaux plus mélancoliques gardant la danse au cœur de l’album.

"Les Feuilles Mortes" s’impose, DALIDA ne cherche pas à rivaliser avec les versions connues, elle trace sa propre voie dans une forme de drame musical. Ici, la chanson automnale, mélancolie incarnée du souvenir amoureux, est remixée pour les clubs, une chute des feuilles sous une lumière stroboscopique, un ballet nostalgique à la lisière de la nuit. L’arrangement même ambiance orchestrale et disco pop. La progression harmonique, teinté d’accords jazzy subtils et discrets, joue avec les contrastes majeur et mineur. Elle conjugue avec brio la mélancolie du souvenir et l’énergie de la danse. Reprise moderne du classique québécois de Félix Leclerc, "Le Petit Bonheur" trouve une innocence presque naïve. La ligne mélodique simple et embellie par DALIDA qui y insuffle une touche méditerranéenne, portée par une dynamique d’élans contenus et de crescendos.

DALIDA remonte le temps pour mieux danser avec lui. Coup De Chapeau Au Passé est un album fait de velours oscillant entre tendresse et mélancolie. Une démarche audacieuse qui convoque les fantômes sacrés de la chanson française et internationale sans les enfermer dans un hommage figé mais en les faisant revivre en slows galactiques en valses discoïdes avec une voix qui incarne nostalgie et modernité. Toujours en avance sur son temps, DALIDA transcende l’histoire sous le feu des projecteurs. La chanson se pare d’une robe à sequins, un geste esthétique, dans ce disque disco tragique. Une invitation à danser avec le passé sans jamais oublier d’y mettre du cœur.