Les couleurs de la jaquette ne peuvent nous induire en erreur. Du rouge. Du jaune. Le titre en langue espagnole.

Sorti quelques mois suivant son congé du quintet dirigé par un Miles DAVIS qui publierait peu après Sketches of Spain en collaboration avec Gil EVANS, Olé ne saurait être que la réponse de John COLTRANE à son ancien trompettiste de patron, une réplique épidermique vu leurs relations aigres-douces s’étant achevées dans le tumulte. DAVIS, que l’état physique d’un COLTRANE s’adonnant abondamment à drogue et alcool exaspéra bien que lui-même ne soit alors aucunement irréprochable, n’avait ainsi pas hésité à frapper le saxophoniste un soir d’octobre 1956 au café Bohemia sous les yeux d’un Thelonious MONK sans doute médusé devant ce déchaînement de violence.

Olé c’est avant tout un morceau éponyme au thème imparable, d’une beauté lancinante proposant une progressive et vénéneuse montée en intensité. En effet, suivant la belle harmonie hispanique en introduction voyant chaque musicien prendre successivement son solo – y compris un Eric DOLPHY à la flûte camouflé sous le pseudonyme de George LANE en vue d’éviter des soucis contractuels, le breuvage se trouble d’un seul coup lorsque l’archet détenu par Art DAVIS fait irruption, faisant basculer l’ambiance vers quelque chose de plus latent et insidieux à la limite de la nécrose.

Le dernier mot reviendra malgré tout à Trane et son soprano qui dissiperont cette fumée nocive via un mémorable solo mais la cohésion est vraiment l’aspect remarquable de cette pièce où le saxophoniste laisse volontiers à chacun une place confortable et fait du groupe la vraie vedette. Après un tel instant d’éternité, on en vient presque à oublier qu’il faut tourner le vinyle afin d’écouter deux autres pistes hautement recommandables ne pouvant cependant décemment rivaliser avec cet "Olé" hors du commun.