C'est un fait qui ne peut être objectivement nié. Dans l'histoire de la Pop, peu de groupes ont su allier fulgurance de l'existence et importance sans commune mesure de l'influence laissée dans la sphère musicale contemporaine. Les SMITHS en sont un superbe exemple. Lorsque sort le premier album des Mancuniens en ce début d'année 1984, il est naturellement difficile d'imaginer la suite et pourtant tout semble comme déjà fragilement mis en place.

The SMITHS présente en effet tout ce qui fera plus ou moins l’intérêt du quatuor pendant ses quatre courtes années d'existence. La paire constituée par l'auteur-interprète Morrissey et le compositeur Marr s'est indéniablement trouvée comme par miracle. Après quelques temps de rodages, elle est enfin prête à éclater à la face du monde. Le timide et reclus Morrissey laisse libre cours à son imagination qui allie humour corrosif et mise en lumière crue des travers quotidiens. Que ce soit ainsi avec le caustique "Pretty Girls Make Graves" ou le détaché "You've Got Everything Now", le Mozz débute fort. Les mots font office de mantras et les cohortes de futurs fidèles ne demandent qu'à les suivre scrupuleusement, parfois même un peu trop.

Les SMITHS dés leurs débuts restent indissociables de la voix de son leader, pour le meilleur, souvent, et parfois le pire. En toute honnêteté, comment rester de marbre et ne pas devenir fou face aux hululements façon tyroliens de "Miserable Lie" portés pourtant par une fantastique section rythmique ? Le chanteur heureusement trouve rapidement sa voix, sa voie. Le classique et ambiguë "Hand In Glove" tout en guitare n'a jamais aussi bien décrit la force du sentiment amoureux. Marr par ses arpèges subtils de guitare fera de "Still Ill" lui aussi un autre moment précieux de la geste smithienne.

Si le quatuor a aussi rapidement marqué son temps, c'est parce qu'il n'a laissé personne indifférent et ceci dès ses premiers pas. La force des SMITHS, c'est l'alliance subtile entre l'aspect pop, faussement léger, de sa musique et la plume souvent trempée au vitriol. Ainsi, le doux introductif "Reel Around the Fountain" avec son évanescent piano sera accusé par certains de faire l'apologie de la pédophilie (rien que ceci). Le superbe et poignant "Suffer Little Children" qui relate les horribles Moors Murders (assassinats de plusieurs enfants dans les années 1960 par un couple de la région de Manchester) sera quant à lui accusé d’immoralité et de porter au pinacle les meurtriers. Morrissey et le scandale ne font déjà qu'un.

The SMITHS est loin d'être un disque parfait. Mais connaît-on vraiment d'autres premiers essais aussi parfaits ? Il présente un quatuor qui détonne dans l'hédonisme de l'époque et se distingue par la puissance de ses mélodies et la pertinence de ses mots. Pour un début, ce n'est déjà pas si mal.