Peut-on trouver un album de musique électronique meilleur que celui-ci ? Les prétendants ne sont pas légions. SUICIDE règne en maître depuis plus de trente ans, et je n'ai pas encore trouvé d'artiste qui sache aussi bien provoquer le malaise, étourdir son auditeur, l'encourager à retirer son casque et à foncer dans le mur.

Cet album est avant tout une pulsation, binaire mais sauvage, électrique et pourtant terriblement humaine. C'est aussi une histoire : celle de l'homme, avec ses bons et ses mauvais côtés. L'érotisme mécanique de "Girl" côtoie l'horreur moderne de "Frankie Teardrop", tandis que les effluves désabusées de "Rocket USA" et "Che" sonnent le glas de toute joie. "Ghost Rider" ouvre les hostilités de manière redoutable, presque hypnotique, presque pour rassurer l'auditeur, l'inviter à rentrer dans cette transe électronique qui vient bientôt l'entraîner au plus profond du cauchemar. Et le piège fonctionne parfaitement, sans que pour autant SUICIDE se sente obligé d'en faire des tonnes : les plus accessibles "Cheree" et "Johnny" donnent de l'air à cet album, qui à mon avis n'aurait pas été aussi excellent si la veine d'un "Frankie Teardrop" ou d'un "Che" avait été poursuivie sur une demie-heure.

Outre l'électronique minimaliste, le choc s'appelle aussi Alan Vega. Un pur génie, habitant complètement son personnage dont il incarne à la perfection toute les facettes : joie, névrose, ennui ou mélancolie, et tout cela avec la même réussite. Et en plus, sans trop que l'on comprenne pourquoi, le duo qu'il réalise avec l'électronique de Martin Rev est parfaitement orchestré, et ne contient aucun décalage, comme certains groupes, tels leurs collègue des Silver Apples, pouvaient en compter dans leurs compositions respectives. Non, SUICIDE réussit-là un tour de force, un véritable chef-d'oeuvre, qui encore aujourd'hui est bien capable de choquer les coeurs sensibles.