Au début, c’était "Lost" et, dans une moindre mesure, "Son style 1" qui retenaient mon attention. C’est-à-dire ceux qui s’inscrivent dans la droite ligne des efforts précédents du groupe. Et, bien sûr, l’immédiate réussite du "Vent nous portera". Puis, plus tard, de plus en plus d’intérêt pour tous ces titres disséminés ça et là, porteurs d’une autre énergie. "Le grand incendie" d’abord, transe apocalyptique. L’entêtant "L’enfant roi", l’impeccable "A l’envers à l’endroit", le parfaitement maîtrisé "Bouquet de nerfs" où Cantat impressionne.

Et puis, à force d’y goûter, de plus en plus de respect pour tous ces morceaux plus difficiles d’accès. A part "Son style 2" qui n’arrive toujours pas à me convaincre pleinement, j’ai fini par m’approprier des compositions plus exigeantes, entre autres les dissonances du morceau-titre, les inquiétantes vocalises autour "Des armes" ou encore l’aspect flottant de "L’appartement". Arrivé à ce stade, j’arrivais à écouter l’album d’une traite jusqu’au onzième titre. Par contre, je laissais la plupart du temps le douzième qui m’avait un peu trop effrayé aux premières écoutes.

Heureusement, j’ai fini par grandir, retenter le coup et comprendre. Aujourd’hui, je suis tout à fait malheureux si je dois couper mon écoute du disque au milieu de "L’Europe" tant il me paraît bien être la grande œuvre de cet album, peut-être même de la discographie de Noir Dez. Une forme d’aboutissement textuel et musical où le groupe synthétise ce qu’il a toujours transporté. Il se dit que la première version faisait une heure et demie puis qu’elle avait été ramenée à un peu moins d’une heure avant de raccourcir encore pour la version finale. Il me paraît presque dommage aujourd’hui que le groupe n’ait pas tenté avec ce morceau ce qu’il a fait peu de temps après avec "Nous n’avons fait que fuir".

Des visages des figures ne sera jamais mon album préféré de NOIR DESIR. Je suis trop sensible à leur intensité électrique pour ça. Aujourd’hui, je le considère toujours comme un disque à part dans leur œuvre. Mais c’est un à part qui réalise ce tour de force de vivre uniquement par lui-même. Un album d’une grande richesse, avec un niveau de détail peu commun dans la production française (relativement) grand public. Cela lui permet d’être écouté de façon valable dans de nombreuses situations ; en société autant qu’en solitaire, en fond d’une autre occupation comme avec la plus grande des concentrations. Et c’est peut-être à ça que l’on reconnaît les grands disques.