Après un premier E.P. sous forme d'une modeste carte d'identité, NOIR DESIR termine les années 80 sur ce premier album aux allures de grand pas pour le groupe et le rock français. S'il est peut-être nécessaire de présenter cet album, ce ne sera pas le cas de deux de ses morceaux qui sont entrés rapidement dans le répertoire des chansons culte du rock français, j'ai nommé "Aux sombres héros de l'amer" et "Les écorchés".

Aux premières notes de l'album, au premier "ouh !" de Bertrand, aux premiers sursauts de batterie, "A l'arrière des taxis" nous rentre dans les oreilles, doté d'une énergie dévastatrice. Même si au mixage, la batterie se fait plus imposante que les guitares qui semblent bien sensuelles en fond, ce premier morceau fait plaisir à entendre. La prose habile de Bertrand est à nouveau au rendez-vous, l'amour et l'espoir sont là, le style NOIR DESIR s'installe.
L'intro du second morceau est évidemment incontournable, petit roulement de batterie puis harmonica, "Aux sombres héros de l'amer" est un morceau inébranlable, un hymne aux victimes des mers, aux héros de la grande bleue, un chant fraternel immortel, mais aussi un tube en puissance entré rapidement au Top 50 après sa sortie en single.

Des morceaux de rock endiablé et des chansons ahurissantes de beauté se partagent la suite du disque. Serge Teyssot-Gay nous envoie à la figure des notes de guitares éblouissantes de finesse et de hargne. Un morceau comme "What I Need" devient, à l'aide de cette guitare et de l'ajout d'un violon, une chanson à la partie instrumentale époustouflante et au chant plaintif décoiffant. De même, "La Chaleur" nous attrape bien profond dans les tripes dès son introduction à la batterie effrénée. L'ambiance est presque glauque, des cris effrayants se font entendre, Bertrand bat la cadence de sa voix majestueuse, le final est bluffant de somptuosité. NOIR DESIR est également ceci : une ambiance et des paroles très sombres exposées de telle manière que l'on ne peut qu'admirer ces situations morbides, ces sentiments de peine, de haine et de tristesse ; "Les écorchés" est là pour nous le rappeler.

Si d'autres morceaux sont présents pour calmer les oreilles, ce n'est pas le cas pour le coeur qui continue de battre fort notamment à l'écoute de "Sweet Mary" (Mary qui a l'air de réapparaître sous la forme de Marie dans "La Chaleur") où la présence d'un piano est surprenante et très agréable, le tout agrémenté de la prestation vocale très réussie de Bertrand; Sa voix rauque qui monte si bien dans les aigus commence à se former ici-même de façon intéressante. "Joey" (I et II), bien qu'étant doté de paroles intéressantes sur la condition d'un condamné à mort et de l'errance de son âme, déçoit quelque peu par sa composition qui aurait pu être plus sauvage, à l'image de la majorité de l'album.

NOIR DESIR agrémente notre discothèque d'univers sombres sublimés par la voix de plus en plus époustouflante de Bertrand et par les compositions musicales qui s'affinent et gagnent en liberté. Ce premier L;P confirme ce que laissait apercevoir "Où veux-tu qu'je r'garde" : NOIR DESIR s'annonce comme un grand groupe.