Peut-on faire de la musique électronique sans instruments électroniques ? Quelle question stupide, c'est comme demander si on peut faire du chant sans voix. Et pourtant, c'est possible de s'imposer comme une référence de la Mé avec seulement des guitares. C'est ce qu'a fait Manuel GÖTTSCHING en 1975, avec Inventions for Electric Guitar.

Pour ce qui est de le classer dans la discographie du guitariste, cela n'est a priori pas facile. Sur la pochette illuminée, on peut voir les noms de GÖTTSCHING et d'Ash Ra Tempel. Mais à l'écoute de la musique, rien de plus simple, il suffit de barrer Ash Ra Tempel. Non seulement GÖTTSCHING agit en solo ici, mais en plus la musique n'a absolument rien à voir. Finies les ambiances post-rock/ambient, place à l'électronique, la vraie. Tout comme ses contemporains, Manuel GÖTTSCHING cède aux sirènes de la musique séquencée, construisant sa complexité sur un nombre insolemment faible de notes. Inventions for Electric Guitar n'installera jamais le guitariste allemand parmi les plus grands, mais on ne peut nier qu'il a fallu du travail, et aussi du talent, pour déboucher sur un tel résultat.

Inventions, c'est avant tout deux morceaux grandioses, qui montrent que l'usage d'une guitare ne se limite pas aux techniques rock habituelles, et antinomiques. En effet, "Echowaves" présente un séquençage nerveux et sec, tout en étant entrainant. GÖTTSCHING se fend même d'un solide solo à la fin du morceau. "Pluralis", quant à lui, se fait plus calme et posé, sans prétention, et invite plutôt l'auditeur à un calme propice à la réflexion. Entre les deux, "Quasarsphere" se pose et se propose en pause ambient tout à fait remarquable, sans compter sa durée qui est juste parfaite.

Manuel GÖTTSCHING a signé avec Inventions for Electric Guitar un vrai chef-d'oeuvre. Avec cet album, il réussit à combiner innovation technique et plaisir musical, chose que d'autres avaient raté auparavant (cf. Fripp et Eno). Mais le meilleur reste à venir, et ce dès l'année suivante avec le fantastique New Age of Earth.