Avec un tel disque, le chroniqueur est placé devant un dilemme. Doit-on afficher la date d'enregistrement ou la date de publication ? L'usage penche vers la seconde option, il convient donc de préciser immédiatement que le contenu de Dream and Desire date de 1977, mais qu'il n'a été publié que quatorze ans plus tard, apparemment sans avoir été retouché. Chez Manuel Göttsching, cela nous ramène entre New Age of Earth et Blackouts, ce qui saute aux oreilles dès qu'on en commence l'écoute.

S'il est positif de connaître quelques morceaux de plus de cette glorieuse époque, il faut bien évidemment comprendre qu'ils n'ont pas été mis de côté sans raison. Les trois plages sont des divagations peu mélodiques, qui tiennent la route face à "Nightdust" voire "Ocean of Tenderness", mais pas par rapport aux autres morceaux des deux albums en question. Ils auraient tout de même mérité d'être publiés en leur temps. Après tout, Klaus SCHULZE et TANGERINE DREAM n'ont pas hésité à proposer des disques un peu en retrait (on pense aux Body Love de K.S, au live Encore de T.D). Dès lors, le fait d'avoir sorti Dream and Desire en 1991 était du réchauffé, et c'est un mauvais point à prendre en compte.

Trois morceaux "Dream", "Desire" et "Despair". Avec 30 et 22 minutes, ceux qui donnent son titre à l'album comptent parmi les plus longs publiés par Göttsching en studio, tandis que le troisième complète l'heure de musique avec ses 8 minutes (oui, le compte est bon). Il s'agit plutôt d'un format à la SCHULZE, ce qui n'est pas forcément un problème. Cependant, si la musique est répétitive et rêveuse, c'est peut-être un peu trop long, surtout "Desire", le point faible manifeste de l'ensemble. Contrairement à New Age of Earth, il semble que Göttsching ait utilisé du séquenceur sur ce travail, ce qui rend sa musique plus monotone, surtout avec de telles durées.

"Dream" est ponctué par un beau motif arpégé rappelant Rubycon et Ricochet de TANGERINE DREAM, tandis que l'ambiance cristalline et positive, induite par le mode majeur, nous place dans les mêmes eaux que "Ocean of Tenderness" et la suite "Lotus". D'autre part, certaines ambiances et harmonies font penser à ce que VANGELIS a proposé un peu plus tard, sur "China" par exemple. Un bien beau morceau que ce "Dream", bien que daté. Son caractère paisible le sert, tandis que le motif plus marqué de "Desire" est fort lassant sur la durée, ce que n'arrangent pas des sons un peu plus crus, surtout ces bruitages sci-fi rappelant ceux de Mirage de K.S. Notons un son percussif aigu assurant une partie du rythme, très semblable à celui de E2-E4.
Enfin, le problème de "Despair" est sa redondance, il commence dans les mêmes ambiances angéliques que les deux autres, mais propose heureusement dans sa seconde moitié le passage le plus nerveux du lot, au motif répétitif à rapprocher de celui de "Sunrain", mais sans les mélodies.

Voilà... ce disque fait décidément un peu 'fond de tiroir bradé'. Pas génial, publié en retard et en faible tirage, inconnu sauf par quelques connaisseurs du genre, c'est un peu triste quand même. S'il était sorti en 77, il aurait aisément pu passer pour un bon album, et aurait peut-être même eu de l'influence à l'instar des autres œuvres de Göttsching. On ne peut que recommander aux amateurs de musique électronique des années 70 de jeter une oreille sur "Dream", qui le mérite plus que ses deux petits frères. Toutefois, à choisir, on préférera nettement Early Water, autre inédit réalisé en duo avec Michael Hoenig en 76 et publié seulement en 95.