Toute évolution est une prise de risque. Oui, c'est un lieu commun, mais il n'est pas inutile de le rappeler. Lorsqu'on est un artiste qui parvient à vivre (parfois plutôt honorablement) de sa musique, évoluer signifie se mettre en danger. L'évolution est pourtant naturelle. Quel que soit votre âge, avez-vous le sentiment d'être le même (ou la même) qu'il y a 10 ans ? N'avez-vous pas emmagasiné des expériences, vécu des événements qui vous ont fait revoir votre façon de penser, influencé vos actions, fait mûrir ? Les artistes qui font évoluer leur musique en parallèle avec leur personnalité prennent le risque de laisser certains de leurs auditeurs sur le côté, de ne plus plaire aux mêmes personnes. Lorsque cette évolution est naturelle, elle est souvent acceptée, voire saluée (Oysterband, qui s'est peu à peu transformé en un fer de lance du rock anglais protestataire, après avoir été un groupe de bals). Lorsqu'elle est calculée, pour s'accorder à une mode, tenter d'actualiser artificiellement sa musique, elle est souvent source de rejet (l'électro-rock de SCORPIONS sur Eye to Eye, en 1999). PASSENGER a tranché : il a choisi l'immobilisme.

Depuis 10 ans qu'il traîne ses guêtres sur les scènes folk, Mike Rosenberg aka PASSENGER a sorti 9 albums. Mais alors que, quelques décennies plus tôt, Bob DYLAN (lui aussi stakhanoviste) choquait son monde en radicalisant son propos sur un album électrique, Rosenberg a choisi de rester fidèle, coûte que coûte, à son folk minimaliste. De très bons albums et quelques pépites musicales sont bien sorties de son escarcelle (le splendide tube "Let Her Go" est à mettre à son crédit) mais il faut bien reconnaître que, depuis quelques années, le chanteur souffle des morceaux d'une tiédeur bien peu savoureuse. Sur The Boy Who Cried Wolf, le bonhomme se "contente" de jouer sur ses points forts, et de rester dans son pré-carré. C'est déjà remarquable, car l'artiste est ici inspiré (plus en tous cas que sur son album de 2016) mais il manque ici une grandeur, une flamboyance, capables de renouveler notre admiration pour lui.

La ballade "And I Love Her" est sans doute ce qui se rapproche le plus d'un "grand" morceau. Intimiste, cette chanson d'amour faite de comparaisons évoquant la nature ou l'enfance est belle, c'est un fait. Mais il lui manque un développement, une envolée mélodique, un surplus d'âme, pour en faire autre chose qu'un titre sympathique. Beau et tiède, voici les deux adjectifs qui caractérisent cet album. Les mélodies inspirées, à l'image de celle du morceau titre "The Boy Who Cried Wolf", font passer la pilule, mais on peine à épouser l'album, à lui confier notre âme. A l'image de son morceau introductif ("A simple song", dont le titre en dit long sur sa teneur), ce neuvième album de PASSENGER n'élève pas le débat, n'offre pas de raison de se plonger dans cette nouvelle collection de morceaux. Sa fin nourrit nos regrets car le dernier morceau, "Lanterns", avec son mélange entre voix masculine et féminine, son mariage réussi entre la guitare acoustique et un piano mélancolique et l'ajout de quelques lignes discrètes de guitare électrique, apporte une richesse bienvenue à l'ensemble.

Malgré des mélodies de grande qualité et la belle sincérité qui se dégage de la voix de Mike Rosenberg, The Boy Who Cried Wolf ne parvient pas à réveiller chez l'auditeur l'intérêt qui s'était en partie éteint sur l'opus précédent. En 35 minutes, tout est plié. PASSENGER fait le boulot, sauve le tout par un bel emballage, et continue de séduire ses fans. Dommage que, sous la carapace, il n'y ait pas grand chose à aller chercher.

2,5/5