Comme il serait agréable de pouvoir écouter la musique de The SOUND sans se souvenir sans cesse de leur histoire... mais hélas, c'est impossible tant celle-ci est injuste. Le manque de succès de leur premier album est déjà étonnant, mais on peut éventuellement le comprendre à cause de sa réalisation un peu brouillonne. C'est l'échec commercial de leur deuxième publication, From the Lion's Mouth, qui est le plus incompréhensible, et qui a malheureusement conditionné la suite de leur carrière.

En effet, From the Lion's Mouth est avant tout un album plus propre, plus cohérent, plus facile à comprendre à la première écoute. Le groupe y aligne de nouveau des chansons brillantes qui auraient presque toutes pu être choisies comme single. Leur choix s'est porté sur « Sense of purpose », mais ni celle-ci ni l'album n'ont réussi à atteindre une place, aussi lointaine soit-elle, dans les charts britanniques. Peut-être le label aurait-il dû tenter un ou deux autres titres comme « Winning » ou « The Fire », dans des registres un peu différents, c'est peut-être l'erreur qui a été commise... Bref, il ne sert à rien de se lamenter plus longtemps, parlons plutôt de cette magnifique musique post-punk/new wave.

Depuis Jeopardy, le groupe a connu un changement important : la claviériste Belinda Marshall est partie et, après audition, son remplaçant Colvin Mayers (dit « Max ») a été recruté. Le quatuor ainsi formé allait rester stable jusqu'à leur dissolution en 1988. Marshall proposait surtout de petites touches de sonorités étranges, ce qui donnait un peu de fantaisie au premier album. Mayers, plus professionnel, a misé sur les motifs et les nappes de sons froids, ce qui change nettement le caractère de leur musique. Ajoutons-y une production plus longue et aboutie et nous nous retrouvons avec un authentique disque de cold wave.

Ainsi, si Jeopardy pouvait être rapproché de groupes héroïques comme ECHO and the BUNNYMEN ou même U2, From the Lion's Mouth est plus proche de la trilogie froide de THE CURE. On l'a aussi comparé à Closer de JOY DIVISION (mais beaucoup de gens ne voient pas plus loin que ceux-ci). Restent cette froideur, ce dépouillement et cette tristesse typiques de ce sous-genre, mais qui laissent la place à un caractère lumineux. Il faut dire que les sons sont majoritairement aigus, aussi bien les synthés que la guitare de Borland, la basse restant assez discrète. Le chant de Borland est touchant, même s'il ne s'agit sans doute pas de sa meilleure performance. Il est aussi parfois un peu à découvert et ne chante pas toujours très juste. Sa guitare est beaucoup plus convaincante, elle est le seul élément qui donne un peu de chaleur à l'ensemble, et il n'hésite pas à agrémenter les chansons de petits solos (celui de « Possession » est notable).

S'il y a quelques petites imperfections, elles ne gâchent vraiment pas l'ensemble. D'autant que la composition est impeccable, il est d'ailleurs facile de se souvenir de la plupart des plages. Citons l'ouverture « Winning », où l'on sent une détresse, une dépression contre laquelle Borland veut pourtant lutter. Les quelques numéros rapides comme « Sense of Purpose », « Skeletons » et « The Fire » sont du post-punk exemplaire, tandis que « Judgement » est rêveuse, presque irréelle, avec des couplets terriblement poignants. Quant au final « New Dark Age », on peut contester son bridge simpliste, mais elle est très efficace dans l'ensemble, avec cette alternance de tambours solennels et d'envolées héroïques.

Comment savoir ce qui a bien pu manquer à The SOUND et à ce disque en particulier ? Ce n'est pas comme s'il s'agissait de musique arty, les musiciens étaient très bons, les mélodies également... Ma théorie est que le propos de Borland et ses acolytes était peut-être trop pur, trop essentiel. Ils ne manquaient pas à proprement parler de personnalité, mais peut-être d'une particularité qui aurait pu marquer les esprits, que ce soit dans les textes, les sonorités, ou même le timbre de la voix. Ce sont même parfois les petites imperfections qui intriguent le public, allez savoir. En définitive, donc, From the Lion's Mouth c'est cela : une certaine idée de la pureté au sein du post-punk, aussi fugace soit-elle.

Note : 4,5/5