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ANARCHO PUNK  |  STUDIO

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CRASS - The Feeding Of The 5000 (1978)
Par NOSFERATU le 25 Mars 2018          Consultée 2185 fois

Au lycée, au début des années 80, ma découverte du mouvement punk se fit tout azimuth. Pour moi, le punk, c’était des types extrèmistes qui faisaient du rock bruyant avec trois accords (et encore ). Je prenais tout, autant les punks bands d’ici (OBERKAMPF surtout), d’Angleterre (UK SUBS, GBH…), nord américains (DEAD KENNEDYS, BLACK FLAG), les vieux groupes de la vague historique de 77 (PISTOLS, CLASH…) puis les ancêtres (STOOGES…) et… CRASS. Je ne voyais pas les différences d’ordre idéologique, culturelles, et aussi musicales entre tous ces combos sauvages. Pour moi c’était de la zique « destroy » qui effrayait mon père et c’était largement suffisant, parallèlement à mes goûts métalliques (MOTORHEAD, premiers IRON MAIDEN …) avec qui on pouvait d’ailleurs trouver des similitudes pour le coté « speed ».

C’est au fur et à mesure que j’approfondissais le courant que j’y discernais cette fameuse disparité qui pouvait être aussi générationnelle (ainsi les gangs de hardcore traitant de vieux cons friqués les PISTOLS) entre les partisans de la oi, les « hardcore bands », les affociniados du « punk not dead », les garageux revivalistes, sans parler des post punkers adorateurs de CRISIS ou des adeptes d’un rock fasciste, les fameux « boneheads » friands des vomitifs SKEWDRIVER. Et souvent, çà pouvait être même la guerre, sur un plan physique, dépassant la simple querelle d’ordre byzantine…

Mais il y avait une autre secte, plus revendicatrice que les autres, c’était les anarchos punks. Ultra undergrounds, ils réagirent eux aussi vivement contre les groupes punks de 77, trop compromis à leurs yeux par le business. CLASH et tutti quanti n’étaient ainsi qu’une vaste escroquerie du rock n roll… On y reviendra plus loin. Les groupes étiquettés de cette sous vague, THE EX, SUBHUMANS, POISON GIRLS, CONFLICT, FLUX OF PINK INDIANS, DISCHARGE, AMEBIX veulent réagir ainsi face aux traîtres opportunistes des punks historiques, en revenant à des fondamentaux libertaires qui iront même dans certaines dérives intégristes. C’est l’époque où les disciples de ce courant hyperpolitisé développent des discours végétaliens, certains étant de véritables « moines soldats », d’autres finiront même « punks à chiens » paradoxalement au coté d’anciens « punks not dead »… la révolution menant à tout, même malheureusement à la rue.

CRASS fut le groupe emblématique de cette vague. Et tout part de l’avant-garde artistique à Dial House, dans une Angleterre ravagée par la révolution punk. On le sait, depuis les futuristes du début 20ème, les frontières entre les « artys » et les agités du bocal de la subversion musicale ou strictement politique ont toujours été poreuses. Un dénommé Jerry Ratter artiste bohême(le célèbre Penny Rimbaud), dans le bon sens du terme, adepte de performances chelous au sein d’un collectif dénommé EXIT monte une communauté, démontrant que la genèse de l’anarcho punk dérive finalement des idéaux« hippies »…

Il se lance dans la musique avec un certain Steve Ignorant, qui bloque à l’époque sur le rock contestaire des CLASH et qui est loin d’être ignare... S’attelant l’un à la batterie, l’autre à la basse, ils forment un combo appellé STORMTROOPER avant de prendre celui de CRASS, en référence à un vers de la célèbre chanson de DAVID BOWIE, « ziggy stardust » (« the kids was just crass »). D’autres de la communauté se joignent au duo fantasque. Le groupe commence à se produire alors dans un festival d’arts de rue (très « arty hippie » tout çà, encore une fois…) au nord de Londres, puis ils font le passage obligé au club londonien « le Roxy » où tous les fans de la punkitude foutent le boxon. Ils jouent bien souvent défoncés avec leurs camarades de guérilla, les très bons UK SUBS. A l’époque, CRASS n’est pas encore idéologiquement et musicalement le groupuscule anarchiste qu’il va progressivement devenir.

Exit la dope et l’alcool. L’attitude va être désormais plus sobre et on peut la comparer aux « hardcoreux » américains de MINOR THREAT qui développeront leur pensée « straight edge » un peu après eux… Ils arrivent sur scène en uniformes noirs, noir comme le drapeau anarchiste. Çà entraînera d’ailleurs des confusions, James CHANCE, le chantre de la no wave new yorkaise, qui jouera en seconde partie après eux à la grosse pomme, les traitera alors de fascistes… La couleur sombre, c’est pour aussi s’opposer aux punks qui virent de plus en plus iroquois à cette époque. Ils rajoutent aussi un logo au fond de la scène, que l’on voit sur le recto de leur premier disque "The feeding of the 5000" montrant plusieurs signes symboliques au message ésotérique (une croix chrétienne, une svastika, le drapeau du royaume uni, et un serpent à deux têtes) .

Sur scène, CRASS sera le premier groupe à utiliser des projections de films, chose que l’on retrouvera dans bon nombre de leurs descendants comme les hallucinés de NEUROSIS, démontrant leur coté avant-garde artistique. The feeding of the 5000 est leur première œuvre abrasive mais les ouvriers refusent de presser le disque à cause de la chanson jugée offensante de "Reality asylum". Du coup, nos punks programment un nouvel enregistrement sans le titre en question, qu’ils substituent par deux minutes de silence appelées ironiquement "The sound of free speech". Ce qui entraîne CRASS à engendrer leur label, tout simplement intitulé Crass records, le coté "do it yourself" germant alors des deux cotés de l’atlantique, c’est le temps des labels hardcore aux states qui commencent en effet à poindre.

La pochette noire et blanche donne le ton. On y voit des collages morbides, la marque originelle de fabrique de l’enrobage ésthètique de tous ces groupes estampillés anarchos punks. Le disque commence par justement "asylum" : Une litanie vocale féminine d’une certaine Eve Libertine, suivie d’une sorte de drone assourdissant. On n’est pas très loin ici des travaux nihilistes contemporains de THROBBING GRISTLE ou d’une Lydia LUNCH. Plus loin, "Women" est aussi une sorte de spoken words déclamée par la joyeuse Joy De Vivre sur fond de bruîtisme quasi industriel bien strident. Avec le morceau suivant, "Do They Owe Us a Living?", on a plus affaire à un Punk véloce marqué par une rythmique à la fois saccadée et primitive dans le sillage d’un kraut rock d’un NEU (la sauvagerie en plus !). L’ensemble sonne plutôt répétitif, lancinant, voire hypnotique. C’est donc un punk débarrassé des influences mods que l’on trouvait dans la génération JAM/PISTOLS/BUZZCOKS. En gros, çà braille mais on n’est pas non plus dans les déchaînements ois souvent fatigants des EXPLOITED.

La basse et la batterie sont bien mises en avant, rappelant aussi les délires de la même période des WARSAW de Manchester… futurs JOY DIVISION, annonçant la cold wave. Les vocaux sont terriblement hargneux déclamant des vers libertaires ultra vindicatifs. Les titres sautillants, quelquefois bien déglingués, restent ultra courts, sauf que CRASS rajoute ici et là du bruîtisme illustré par des larsens entraînant une atmosphère quasi noise avant la lettre qu’on peut rapprocher avec l’émergente scène no wave qui bat son plein à New York, des collages radiophoniques donnant une ambiance apocalyptique, des passages silencieux,.. Par moments, c’est plus traditionnellement punk, genre des scuds comme pouvaient envoyer les PETER AND THE TEST TUBE BABIES à la même époque [le mélodique (si si !) "sucks"]. "Fight War, Not Wars" relève plus du slogan d’une manifestation de black blocks colériques…

Mais l’album réserve de grandes fulgurances comme l’excellent "Well?...Do They?", très bon morceau minimaliste avec un refrain fédérateur ponctué de chœurs agressifs. Et puis il y a l’hymne "Punk is dead". Nos crasseux s’en prennent donc à la récupération commerciale du punk ("Oui c’est vrai, le punk est mort/C’est juste un autre produit pas cher pour la tête des consommateurs./Bubblegum rock sur des transistors en plastique/ (…)Mais ce n’est pas à la révolution, c’est juste pour de l’argent/Le Punk est devenu une mode à l’instar des hippies"). Steve Jones (PISTOLS) et Patti SMITH en prennent ainsi pour leur grade dans les lyrics. La signature des pistols sur la multinationale E.M.I. est restée effectivement en travers de la gorge de nos punks définitivement puristes. Les PISTOLS tout comme les CLASH (qui paradoxalement les ont bien influencés) sont à leurs yeux, ni plus ni moins que des socio traîtres… Et puis les CLASH se réclament d’un trostkisme (tendance kronenbourg quand même !), les PISTOLS d’un situationisme "shock rock", les CRASS, eux, puisent essentiellement dans l’anarchisme pur et dur… Pas la même recette idéologique...

Par Bakounine, qu’attendez-vous pour vous encrasser ?

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   NOSFERATU

 
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- Steve Ignorant,joy De Vivre, Eve Liberti (vocaux)
- Phil Free (guitare)
- N.a.palmer (guitare)
- Pete Wright (basse)
- Penny Rimbaud (batterie)


1. Asylum
2. Do They Owe Us A Living ?
3. End Result
4. They've Got A Bomb
5. Punk Is Dead
6. Reject Of Society
7. General Bacardi
8. Banned From The Roxy
9. G's Song
10. TitleLength
11. Fight War, Not Wars
12. Women
13. Securicor
14. Sucks
15. You Pay
16. Angels
17. What A Shame
18. So What
19. Well?... Do They?



             



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