On a beau utiliser son groupe de Rock pour y construire des mélodies dans lesquelles on va se livrer, exprimer le plus sincèrement du monde tout ce que l’on a de plus enfoui au fond de son petit cœur, quand les fans répondent présents, c’est vrai qu’on a tendance à continuer parce que ça marche. Mark EVERETT (E pour les intimes, prononcez ), somptueux leader du groupe de Rock Alternatif EELS qui traverse les décennies sans prendre une ride, a basé son fond de commerce sur l’aspect cathartique de son Band. Au travers de ses réflexions mélancoliques quoi qu’optimistes sur la mort, l’enfance (notamment la sienne pas fanfaronne), la philosophie d’écriture de E se base sur un concept imparable : la recette qui marche. Deconstruction d'un album de EELS.

On résume, c’est très simple d’écrire un très bon album de EELS. Mais c’est très délicat vu qu’eux seuls arrivent à le faire. On a besoin de bases suffisamment solides pour servir à une complainte. On a au choix dans les thèmes qui fonctionnent bien et qu’affectionne particulièrement notre barbu préféré : la perte d’un proche, l’orphelinat, la solitude, les déceptions amoureuses, le divorce et bien sûr, les oiseaux. C’est joli les oiseaux. E adore les oiseaux. À ceci, vous tissez l’illustration sonore de votre texte par un truc joli en fond. Ça peut être joli ou ça peut swinguer, c'est au choix.
Si vous voulez un truc joli, vous racontez à quel point c’était sympa quand vous étiez marié et que vous aviez quelqu’un pour vous accompagner, sur des petits arpèges trop mignons au capodastre, mais faites ça propre et clair par contre. Pas de pleurnicheries pour rien. Si vous voulez que ça swingue, vous rajoutez une batterie. On rajoute à ça une production de choix et ça part en Master.

Ce cahier des charges rempli, qu’est-ce qu’il vaut cet album ? Force est de constater que le pari est réussi pour cette nouvelle galette des anguilles. Les quarante-deux minutes de l’album s’écoulent toutes seules car on assiste ici à une maîtrise parfaite de la courbe dynamique. Les morceaux plus énergiques (« Bone Dry », « You Are The Shining Light ») contrastent parfaitement avec les interludes de toute beauté dissimulées dans la Tracklist (« The Quandary »,« The Epiphany », « Archie Good Night » écrite pour le fils d’EVERETT). On trouve également des tubes à la pelle qui conviendront aux anciens comme aux nouveaux admirateurs.
« Bone Dry » et ses implacables Shoubidoubidouuuubiiiidouuuu ferait taper du pied une sardine (pas facile pourtant). « Today is The Day » vous mettra le sourire aux lèvres à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, d’autant plus si on l’accompagne de son clip, probablement le clip le plus mignon de l’histoire des clips mignons. « Rusty Pipes » confirme la maîtrise de E dans l’art de la boucle, et quel bonheur d’écouter chanter cet homme dont le timbre de voix n’a pas pris une ride en plus de vingt ans de carrière ! « Be Hurt » renvoie en revanche à la simplicité d’écriture du groupe dont nous ne nous lassons définitivement pas. C’est simple, tout est bon.

EELS frappe donc fort avec ce nouvel opus que l'on se surprend à écouter en boucle jusqu’à épuisement, avant de céder à la tentation d’enchaîner une énième fois avec un sublime « Daisies Of The Galaxy » ou encore un admirable « Souljacker ». Tous les albums de EELS ont un son et une approche différents à offrir, et The Deconstruction gère parfaitement le compromis entre le renouvellement du fond et le confort de la forme. Vivement le prochain ? Calmons-nous, on a déjà de quoi s’occuper pendant quelques temps.