Quand on parle de l’an de grace 1991, tout le monde se souvient, en matière de rock bruitiste, du fameux Nevermind de NIRVANA. Mais derrière la tornade que ce disque allait entraîner, cette année fut aussi marquée par la sortie d’œuvres moins consensuelles, moins poppy, illustrée entre autres par des groupes à forte personnalité comme les garageux grunge de MUDHONEY, les post rockers de SLINT et nos noiseux favoris de cette électrique époque, les JESUS LIZARD.

Le E.P. Pure annonçait la couleur : un noise rock plutôt abrasif avec une boîte à rythme décapante. Head allait confirmer ce premier essai avec l’arrivée d’un redoutable batteur.
Goat est l’album de la consécration. Le gang de ce taré de David Yow est désormais fixé dans le fief de Mr Boucan à Chicago, Steve Albini (ex BIG BLACK), ce dernier donnant par sa production « live » plus de relief à l’incroyable sauvagerie dégagée par cet album.

La première chose qui nous stupéfait, c’est le jeu sanguinaire du gratteux, l’illustre Duane Denison, à la fois rugueux et jazzy (voir le riff cinglant de « Mouth breather »). La basse nous donne aussi un tournis malsain, surtout sur les très éclatés "Then Comes Dudley" et "Monkey Trick".
Et on discerne, malgré l’identité ahurissante de nos reptiles, des influences à droite et à gauche sur cet opus bien noisy. « Seasick » sonne comme une chanson swamp rock bluesy à souhait faisant passer le BIRHDAY PARTY de NICK CAVE pour des tacherons du blues (j'exagère comme d'habitude, bien sûr!) annonçant les futurs travaux des flamboyants OXBOW (Vous ne connaissez pas OXBOW ? Tuez-vous sur le champ !). « Nub » mène le punk rock vers des contrées non explorées et transfigure ce courant. Désolé, à l’époque, le punk c’était Jesus , pas NOFX qui allait poindre.
Le chant (!) de Yow est proprement démoniaque. Il affine mieux ses références, le « caveman » cité plus haut, mais aussi un Iggy en plus simiesque ou un Lux Interior (CRAMPS) qui regarderait vingt-quatre heures sur vingt- quatre en boucle « 2000 maniacs » (Vous ne l’avez pas vu ? Mangez-vous tout cru !). Par moments, ses vocaux très particuliers (qui pourraient faire fuir le quidam moyen non habitué à ce style déjanté) flirtent avec tous les genres cités plus haut.
Sinon ce disque joue avec diverses sensations et sentiments, le contenu des lyrics tournant souvent autour de l’absurde et de la haine. Ces impressions rejaillissent sur le claustrophobe et romantique ( !) « Rodeo in joliet », sur le brut de décoffrage « i can’t swim ».
En gros, que la haine soit !