Vieillir et être rock , tel est le dilemme qui apparait pour la plupart de tous ces gangs bruitistes des années 90… Peut-on encore frapper soniquement fort tout en évitant la caricature ou le jeunisme à tout crin ? La réponse serait peut être dans le dernier JESUS LIZARD, plutôt crédible, sorti sur Ipecac, le label aventureux de ce dingue de Mike PATTON. Fer de lance de la vague noise rock des années 90, nos reptiles reviennent en assez grande forme sur ce disque, dénommé Rack, dont le titre est toujours aussi court (sans signification particulière), vingt six ans après Blue et une éphémère reformation à la fin des années 2000.

Feu Steve Albini voyait en cette formation séminale, dans les années 90, le futur du rock dur, la comparant carrément aux STOOGES ou à LED ZEPPELIN . Disparu cette année, on aurait apprécié qu’il produise ce disque et le rendre ainsi plus abrasif. C’est le méconnu Paul Allen qui s’y attelle et le résultat est un peu faiblard.
A leur époque historique, le quatuor bigarré vivait et composait dans la même Fun House. Désormais, les membres ont envoyé leurs compositions par fichiers , étant donné qu’ils sont dispersés à travers tout le territoire Etats-uniens, redevenu Trumpien à l’heure où j’écris ces lignes…

Les compositions sont quand même efficaces et bien rentre dedans. Pas d’arnaque sur la marchandise, c’est bel et bien du JESUS LIZARD. Dès "Hide And Seek", çà sonne comme du JESUS LIZARD avec une pointe de punk rock peut être plus abouti. La morve de DAVID YOW, sorte de Mark Smith (THE FALL) qui serait tombé dans la marmite du hardcore, est toujours toujours mise à égalité avec les autres instruments (la fameuse leçon dogmatique d’Albini), sans parler de cette rythmique décalée, rappelant un passage pompé sur un groupe garage rock sixties connu (si un lecteur peut trouver ce passage , qu’il m’envoie la réponse dans les commentaires) .Ce type d’exercice , désormais familier (alors qu’à leurs débuts, on ne comprenait pas tous ces riffs jazz noise punk qui nous donnaient le tournis, JESUS LIZARD demandant une initiation pour comprendre et apprécier sa substantifique moelle musicale) se reprend dans "Grind" (changement de rythmique, mélodie perverse, rien à voir avec du grind core), sur "Lord Godiva" doté d’un passage space punk retentissant à la Helios CRRED (une lointaine réponse au tordu "Lady godiva" du VELVET UNDERGROUND), sur "Falling Down", au refrain ultra-punk.

Dans cette distraction bruyante, "Duning Kruger", morceau à la rythmique syncopée et variée , est certainement un des meilleurs titres, avec un jeu de basse tout post punk. Ainsi que le redoutable "Is That Your Hand", au chant très punk à la fin rappelant la jeunesse du beau David (hum !) de ce dernier quand il trainait avec les furieux DICKS… Seul "Moto®" parait un peu plus banal dans ce capharnaüm joué élégamment. Il y a aussi dans ce skeud des morceaux avec des climats poisseux…

L’intro lourde d'"Armistice Day" nous entraine de même dans une ambiance blues swamp complètement retorde. Atmosphère particulière que l’on retrouve sur "What If", titre très jazzy décalé au phrasé quasi "Spoken Words", pas loin des copains d’OXBOW, que l’on jurerait être sur une bande son d’un film de DAVID LYNCH. Même climat sur "Alexis Feel Sick", à la rythmique sautillante marquée par l’incroyable duo basse/batterie , qui semble être faussement en roue libre, la batterie étant étonamment en décalage avec la mélodie de la guitare ainsi que sur "Swan The Dog" annonçant ensuite des riffs quasi HELMETiens (on dirait du TOMAHAWK, l’autre projet frappadingue du guitariste Duane Denison).

Peut être qu'à la prochaine étape, nos JESUS LIZARD pourraient atteindre les cimes planantes des BAD SEEDS ou celles des SWANS seconde période, à voir… Disque déglingué, mais toujours de qualité et réalisé avec une assez grande classe…