Le Texas : tequila, grands espaces, buissons, cow-boys... et une certaine idée du blues. Un blues lourd, râpeux, chaleureux. Incandescent aussi, mais là, rares étaient ceux qui savaient s’y prendre. On pense à Johnny Winter, Stevie Ray Vaughan, John Nitzinger...et ZZ Top évidemment. Eh oui, pour ceux qui ne connaissent pas le début de carrière des inventeurs du techno-boogie, sachez que le trio Gibbons-Hill-Beard était avant tout un groupe de blues « in the fine Texas tradition ». Guitare tranchante, basse gironde et rythmique carrée étaient à l’honneur quand sortit cet album, leur premier, courant 70.

Mais n’allons pas trop vite en besogne. En 1969, Billy Gibbons sort d’une collaboration avec un groupe aux tendances psychédéliques, The Moving Sidewalks. De leur côté, Dusty Hill et Franck Beard faisaient partie de American Blues, un groupe dont la simple évocation suffit pour connaître le style de musique abordé. Partageant le même amour pour leur bel Etat, le trio décide de fonder un groupe dévoué à la cause boogie-blues. L’origine du nom n’a rien de bien sérieux, il s’agissait simplement de figurer en dernière place dans les bacs à disque. Une bonne façon de se démarquer du cheptel. Et la musique dans tout ça ? J’y viens, j’y viens.

Le groupe donne sa première représentation en février 1970. S’en suit un contrat avec London Records (Rolling Stones, John Mayall) et un album, « ZZ Top’s First Album ». D’entrée, « (Somebody Else Been) Shaking Your Tree » annonce la couleur. Le jeu de Gibbons est déjà bien en place, on reconnaît sa griffe qui fera la renommée du groupe par la suite. Les deux autres compères font leur boulot de manière très efficace. Quand au sujet de la chanson, il n’étonnera personne : les femmes. Le morceau suivant, « Brown Sugar », blues puissant et rapide, évoquant sans détour la prise de drogues (« I gotta have some of that Brown Sugar / Gotta try it before I die »), voit Gibbons se fendre d’un solo torride, ahanant des « Something make me feel gooooooooood » à tour de bras.

La suite est de la même veine : « Squank » déboule avec son groove incomparable et sa rythmique d’acier, Billy s’en donnant encore une fois à cœur joie, tant au niveau instrumental que textuel où il fait preuve d’un humour certain (en anglais argotique, le terme « squank » désigne la flatulence, mais il fait également allusion au son émis par la guitare quand le médiator frappe les cordes avec un angle particulier, technique qu’utilise beaucoup Billy). « Goin’ Down To Mexico » n’est pas en reste, de même que le magnifique « Certified Blues » ou « Bedroom Thang ». L’ensemble tient diablement bien la route. Les morceaux sont uniques tout en étant issus d’un même moule. Et c’est ça qui fait toute la force du groupe, cette manière de réutiliser un même plan pour en tirer une multitude de variations d’un niveau toujours constant.
J’invite donc tous ceux qui n’ont jamais aimé les barbes d’un mètre de long à reconsidérer le cas ZZ Top. Vous risquez d’être surpris... « Man, there's something gonna change your life. »