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FOLK PROVENçAL/OCCITAN  |  STUDIO

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MONT-JòIA - Cant E Musica De Provença (xiième-xxème) (1976)
Par MARCO STIVELL le 15 Février 2019          Consultée 1875 fois

Mont-Jòia : un tas de pierres élevé par les bergers pour marquer leur passage et honorer la montagne (extrait de la pochette du disque en question). C'est sous cette identité occitane, avec un sentiment d'élévation et de grandeur que s'unissent les forces de Frances/François Dupont (violon), Patriça/Patrice Favaro (chant, mandoline...), Patriça/Patrice Conte (chant, galoubet/tambourin, arrangements...) et Jan-Maria/Jean-Marie Carlotti (chant, guitare, luth, saz).

Nommé MONT-JÒIA, le collectif entend bien se placer au rythme des folk français et celtique si populaires en ce milieu d'années 70, défendant la culture occitane, à commencer par le langage, et la Provence en particulier. Le premier disque, Cant e Musica de Provença est d'ailleurs enregistré à la chapelle du Sacré-Coeur à Aix-en-Provence. Il est publié par le label spécialisé Le Chant du Monde.

Peut-être la position géographique a-t-elle une influence, mais le mouvement dont MONT-JÒIA se fait porte-étendard d'une manière plus authentique que Joan-Pau VERDIER ou Guy BONNET (parce que musiques comme paroles restent ancrés dans la tradition), celui du sud de la Loire, ne s'élèvera jamais très haut, et cela vaut aussi bien au sens propre qu'en termes de succès. Quinze à vingt ans plus tard, alors que la Corse bénéficiera d'un traitement de faveur durant une période dorée, le seul retentissement au cours des années 90 se fera avec MASSILIA SOUND SYSTEM, dans un style bien différent, sans parler du rap marseillais/toulousain/niçois etc qui n'a plus rien en commun avec la tradition, pas même la langue.

Dans le moule des années folk hippie et d'une production discographique qui devrait signifier un semblant d'adaptation aux sons de l'époque, MONT-JÒIA parvient à sonner ancien et moderne à la fois, à partir de chants et d'instruments tout ce qu'il y a de plus traditionnels. La pochette du disque vinyle est triple, montrant textes, photos, lutherie, illustrations... C'est un véritable trésor, par sa qualité musicale en plus, tout à fait équivalente à celle d'un MALICORNE très français et électrifié (1976 est l'année d'un autre chef-d'oeuvre : Almanach).

Il est regrettable qu'un tel effort n'a pas obtenu davantage de reconnaissance, car elle est bien là, autant que dans les disques-compilations d'airs et artistes variés, l'âme de la Provence telle qu'on la connait à grande échelle depuis qu'elle a été retranscrite dans les romans d'Alphonse Daudet. Les bergers, la farandole, les galoubets-tambourins, les contes fantastiques... Ce disque, qui part du XIIème siècle après J.C. pour arriver au XXème contient tout cela, et les pays voisins d'oc.

Les chants masculins de Carlotti, Conte et Favaro sont forts et beaux, avec parfois quelques intonations nasales dans des moments plus festifs. Il y a aussi des instrumentaux, le rigaudon, la danse de l'appel et course à la Tarasque (le monstre dragon des légendes provençales, vaincu par Sainte-Marthe et qui a donné son nom à la ville de Tarascon) ainsi que la "Romance et pastourelle", double air pour galoubet avec le tambourin sur la danse en deuxième partie, joué remarquablement par Patriça Conte seul. Et cet "Esquirou..." qui évoque les plus beaux an droioù en Bretagne...

On reste cependant mieux marqués par ces quelques hymnes placés en début de faces A et B. "Diga Janeta" est un chant très populaire dans toute l'Occitanie. Il s'agit d'un appel au mariage, opposition à un système qui, à une époque, faisait durer le célibat des garçons et des filles pour raisons économiques. Enjoué avec ce rythme très caractéristique qui rappelle les troubadours, MONT-JÒIA décide de mélanger plusieurs versions. À noter, puisqu'on en parlait, que MASSILIA SOUND SYSTEM samplera brièvement ce morceau sur le tout premier morceau de leur tout premier album (Parla Patois, 1991), c'est dire l'importance !

Plus dense est "Ai Vist lo Lop, lo Rainard, la Lebre", le bien connu "J'ai vu le loup, le renard, le lièvre", un des deux chants auvergnats proposés, et qui change de version selon la région (MALICORNE l'a repris un an plus tôt). Un titre d'introduction qui, à lui tout seul, ne peut que convaincre de la qualité d'un tel opus. La réverbération de la chapelle, la superposition des instruments et des chants, éléments d'un climat et un résultat pleins de magie.

Parmi les autres chefs d'oeuvre, on trouve des complaintes aussi étendues que le Rhône, les frissons sur la peau de l'auditeur affluant comme les vagues : "Atressi Co'l Signes Fai" (Auvergne) et "La Filha dau Ladre". Ce dernier, avec son arrangement d'alto et de flûtes est un texte ancien (1228) dans sa version d'origine, emprunté à Arbaud, le romancero occitan. "Atressi Co'l Signes Fai" est joué et chanté par Jan-Maria Carlotti seul au luth, de la fin' amor/amour courtois en musique que l'on doit au chevalier Peirol, une frustration palpable autant que la tristesse (guerre, manque d'expérience). La mélodie n'en est que plus déchirante, la voix la porte de bas en haut, très haut...

Un mot, pour finir, sur la lutherie de Patriça Favaro qu'il a conçue lui-même. En plus des galoubets, percussions, luth, saz de Turquie (les arpèges de Carlotti sont merveilleux), guitare acoustique (sans doute l'instrument le plus récent parmi tous !) et violons classiques, on découvre les sons du tonton (tambour du Béarn, avec cordes), du cintour (venu de l'est de la Méditerranée, semblable au hammered dulcimer de la musique folk américaine) et de la trompette marine, qui n'a rien d'un cuivre (elle se joue avec un archet) mais grésille aussi fort qu'un tampura en Inde ! L'Orient est la couleur des troubadours - sud de la Loire – par rapport aux trouvères – nord -, et MONT-JÒIA en use de la plus grande justesse. Autant de richesses contenues dans un album indispensable !

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   MARCO STIVELL

 
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- Frances Dupont (violon, alto)
- Jan-maria Carlotti (chant, guitare acoustique, saz, luth)
- Patriça Conte (chant, galoubet, tambourin, flûtes)
- Patriça Favaro (chant, mandoline, tonton, cintur, trompette)
- Francèsa Favaro (trompette marine sur 1)


1. Ai Vist Lo Lop, Lo Rainard, La Lebre
2. Romance Et Pastourelle
3. La Filha Dau Ladre
4. Rampelada E Corsa De La Tarasca
5. L'esquirou Et Lei Cocots
6. Diga Janeta
7. Bela Calha
8. Rigaudon Et Vautrei Que Siatz Assemblats
9. Atressi Co'l Signes Fai
10. A L'intrada Del Temps Clar Et Trotto



             



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