Je ne sais pas vous, mais dans le cadre de la chanson française, j'ai été bercé par Jean FERRAT et cet album en particulier. Ma grand mère, bien que plutôt réac, était une fan jusqu'au-boutiste de cet admirateur des révolutions. Oui c'est très français, ce genre de paradoxe, aux States, cela n'arriverait jamais. Je connais donc cet album sur le bout des doigts. En 65, à l'heure de la sortie des divers supports de la chanson, la réputation de Jean n'est plus à faire, un trublion communiste au service de ses idées.

Et du lourd, du majestueux, de l'épique, de l'émotion ! Tout est condensé dans l'exceptionnel titre éponyme "La montagne", concentré de beauté comme on n'en fait plus. Les paroles de Jean FERRAT s'alignent malgré tout remarquablement sur les plus beaux textes d'Aragon ou de Prévert. Cette ode à la belle région ardéchoise qu'il aime depuis toujours est juste phénoménale ! L'opus contient aussi "Que serais-je sans toi", une des chansons préférées des français, toutes générations confondues. Elle est juste emblématique de l'art qu'est la chanson française. Le texte d'Aragon est évidemment porté aux nues par le chant céleste et aérien de Jean FERRAT, qui touche ici au sublime. Ces deux titres sont parmi les plus grands ambassadeurs de l'art hexagonal.

Mais ils ne sont pas tout seuls.

Durant mon adolescence, c'est "Autant d'amour autant de fleurs" qui avait ma préférence. On se rapproche singulièrement du Toulousain Claude NOUGARO avec ce titre aux relents très jazzy, aux cuivres rebondis et à la basse impressionnante. Le rythme catchy y est très mémorisable. Un petit côté suranné s'en dégage certainement, mais rien de grave. En tout cas, elle passe régulièrement dans le juke-box de mon cerveau. Je la recommande donc vivement. Pauvre génération des années 2010. Vous qui vous gavez de chanteurs stars issus des télé crochets, posez donc une oreille sur "Les beaux jours" pour constater de quoi il retourne lorsqu'on sait réellement chanter. La voix grave met en scène les plus beaux sentiments dans des atours indémodables. C'est juste classique, et l'orchestration splendide. Jean FERRAT est un maître du chant.

Le reste est plutôt qualitatif : le Brésil de Salvador de Bahia jaillit sous la plume de l'artiste dans "Berceuse", ode d'une jolie douceur qui annonce les futures ambiances de Francis CABREL. La mignonne "Loin" nous rapproche de Hugues AUFRAY et de certains chants traditionnels. Le ton y est très sympa et la guitare enrobe bien cette compo. Avec "Au bout de mon âge", c'est cette fois à BRASSENS que l'on pense. Le texte comme le chant sont un véritable hommage au Sétois. On baisse un peu avec "Le jour où je deviendrai gros" qui
trimbale un esprit jazzy pop certes étonnant, mais le refrain me semble un peu léger. La petite course échevelée de "La jeunesse" est le prétexte à une analyse des moœurs de la génération des sixties... ça a drôlement vieilli ! Enfin, c'est une orchestration presque yéyé qui se profile sur le slow "Tu ne m'as jamais quitté", rien de bien étonnant finalement, Jean fait partie de la scène des années soixante, il n'a que 35 ans. Un titre qu'on peut aisément qualifier de variété.

Du classique flamboyant, de l'intéressant, et malgré quelques chansons plus moyennes l'ensemble a une sacrée gueule de vainqueur. Pour ce quatrième opus, Jean FERRAT fait plus que régler son compte à un système qui tente par les moyens les plus insidieux de le censurer. Et ce n'est pas fini, mais l'artiste n'en a cure : son attachement à ses valeurs n'est pas négociable, tout comme sa capacité à composer des chefs-d'oeuvre reste vivace ! On continue avec une excellente note de 4.