Voilà, nous y sommes. Avec cet album, Beth HART rejoint le monde de la variété internationale, celle des chanteuses à la voix noyée dans des arrangements lourdingues et sirupeux. Tristesse et désolation de constater qu’une des plus talentueuses interprètes de blues prend une autre direction commerciale, celle de la cohorte des beuglantes. Où comment passer d’Etta JAMES à Barbara STREISAND.

La pochette donne le ton. La dame chapeautée et look 1900 est devant son piano-bastringue, pas dans un bordel, non plutôt dans un grand hôtel pour accompagner le repas des riches qui font cliqueter leurs bijoux en même temps que leur fourchette.
Un autre signe qui ne trompe pas. Où sont passées les guitares ? Oui, cet instrument indissociable du blues qui sait souligner, magnifier, accompagner une voix. Ne cherchez pas ! Elles sont oubliées. Comme lors de ses dernières productions, son groupe de scène ne participe pas à l’enregistrement réalisé avec des musiciens de studio.
Et le massacre peut commencer. Quand Céline DION rencontre SINATRA à Las Vegas, c’est guimauve blues, avec « War In My Mind », « Let It Grow », « Thankful », « Rub Me For Luck ». Vous pouvez les passer tout de suite au broyeur car à la benne quelqu’un pourrait tenter de les récupérer.
Enfin une spéciale pour faire pleurer « Without Words In The Way ». Sortez vos mouchoirs, les filles, que c’est triste !

Sinon, on peut vaguement écouter "Bad Woman Blues" assez enlevé, "Try A Little Harder" pas trop chargé en orchestration, et qui ainsi respire un peu, et « Sister Dear » servi par la superbe voix de la dame.
Sinon, le truc pour accrocher un hit « Sugar Shack » est aussi parti au broyeur, comme "Rub Me For Luck" qui pourrait faire un sacré duo avec ADELE.
Prenez encore vos mouchoirs car dans « I Need A Hero » on apprend que la gentille fille aime ses parents. Là, on attaque carrément le public ado !

Pour les courageux qui sont restés jusqu’au bout, sans gerber toute ses sucreries aux toilettes, et qui ont raqué pour l’édition de luxe, deux titres live enregistrés à Amsterdam en 2018 prouvent que tout n’est peut-être pas encore vraiment perdu. Quoique...

Cet album rencontrera vraisemblablement un large succès public, et la dame continuera de jouer dans des salles de plus en plus grandes, devant un public de moins en moins exigeant, venant admirer la bête sur scène. Nous étions beaucoup moins nombreux un soir de mars 2012 au New Morning pour un concert mémorable, accompagné par un groupe inspiré. Ce temps est révolu, place au show-biz, aux billets verts. On a le droit de le regretter et d’utiliser le broyeur.