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Johnny BURNETTE - Johnny Burnette & The Rock N Roll Trio (1956)
Par LE KINGBEE le 2 Mars 2020          Consultée 2208 fois

Tout le monde doit avoir dans le coin de sa tête une réponse à la sempiternelle question : "Mais quel est donc le disque de Rock'n'roll que vous emporteriez sur une île déserte ?" Alors je ne vois pas trop ce que j’irais foutre sur une île déserte, mais soyons bon prince et prêtons-nous au jeu. Votre humble serviteur, manquant cruellement d’imagination, vous répond que ce Johnny Burnette And The Rock'n'Roll Trio fait figure de meilleur disque de Rock'n'Roll de tous les temps, rien moins que cela.

Dorsey et Johnny Burnette sont originaires de Memphis. Après s’être mis à la boxe, Dorsey devient employé à la Memphis Crown Electric, là où travaille comme chauffeur un certain Elvis PRESLEY. Quand il n’intervient pas sur les poteaux électriques du Tennessee, Dorsey joue parfois avec Scotty Moore dans les tavernes du coin. Johnny (son cadet de quinze mois) veut faire carrière dans la musique et parvient à convaincre son grand frère. Les deux frangins s’acoquinent avec le guitariste Paul Burlinson, rencontré dans le club où boxe Dorsey. Le trio, parfois renforcé par le pianiste Doc McQueen, écume la région et met en boîte un premier single produit par le père d’Eddie BOND et édité par Von. Le trio auditionne en vain chez Sam Phillips, patron du label Sun, qui ne les retient pas. Les trois amis montent à New-York et participent à plusieurs émissions télévisées sous le nom de Johnny Burnette’s Rock'n'Roll Trio. Le 7 mai 56, le trio épaulé du Batteur Eddie Grady enregistre cinq titres dans les studios new-yorkais de Decca. Début juillet, le trio participe à Nashville à quatre sessions d’enregistrement qui vont s’avérer beaucoup plus fructueuses. Placés sous la houlette d’Henry Jerome et d’Owen Bradley, le trio grave entre le 2 et le 5 juillet seize titres remplis de fureur et dont douze apparaissent sur leur premier album éponyme édité par Coral, sous-marque de Decca.

Enfin, quand on vous dit Trio, ce n’est pas exactement comme cela que les choses se passèrent. Jugeant que Paul Burlinson était limite pour enregistrer en studio, Owen Bradley décida de leur adjoindre Grady MARTIN à la guitare et Buddy Harman aux baguettes. Bob Moore remplaça Dorsey à la basse lors de la séance du 4 juillet, tandis qu’Owen Bradley décida de donner un peu plus de consistance à l’ensemble en s’installant au piano lors de la dernière session où figurent également l’Anita Kerr Singers, la troupe de choristes de Nashville.

D’emblée, on est comme happé par la sauvagerie et le groove que nous assène "Honey Hush". Ce sympathique R&B gravé par Big Joe Turner pour Atlantic en 53 se retrouve transformé en un Rockab plein de fureur. Repris moult fois, personne ne parviendra à engendrer une telle sauvagerie issue du répertoire hillbilly au groove influencé par les musiques noires du Sud. Foghat en mode Rock 70’s, Shakin Stevens en Rockab à l’anglaise, les Pirates en mélangeant Pub Rock et Psychobilly ou le suédois Harmonica Sam avaient bien tenté de reprendre le titre, mais malgré tout leur talent leurs versions sonnaient un peu comme de la roupie de sansonnet. Enfin, en écoutant bien cette ouverture, on peut se dire que Dorsey était peut-être l’un des meilleurs contrebassistes de Rockab. Le trio atténue sa fureur mais l’intensité demeure toujours bien palpable sur "Lonesome Train (On A Lonesome Track)", une compo du tandem Glen Moore/ Milton Subotsky qu’on retrouve dans la bande-son du film "Rock, Rock, Rock", un nanar de Will Prix avec Alan Freed, coproduit par Subotsky qui faisait ainsi d’une pierre deux coups.
La tension baisse à peine d’un poil sur "Sweet Love On My Mind", compo de Wayne Walker l’auteur du formidable "All I Can Do Is Cry", le chant syncopé prend parfois une tournure à la Gene VINCENT. Il est étonnant, après coup, de constater que Decca préféra enregistrer le duo Jimmy & Johnny (Jimmy Lee Fautheree et Country Joe Mathis) dont la version se situe un cran au-dessous. La troupe reprend les mêmes ingrédients que dans le titre d’ouverture. "Rock Billy Boogie" avec slappin’ bass, vocal syncopé et hurlements de sauvageon, emporte tout sur son passage. Darrel Hingham et Lee Rocker reprendront le morceau sans parvenir à délivrer autant de frénésie.

Si les premières influences de Dorsey Burnette proviennent d’un creuset teinté de Hillbilly, le R&B vient s’intercaler avec justesse dans le répertoire du trio. C’est ainsi qu’on retrouve d’autres morceaux issus de la musique noire : "Chains Of Love", une ballade d’Ahmet Ertegun, patron de la firme Atlantic popularisée par Big Joe Turner. Irma THOMAS et Bobby BLAND reprendront le titre dans une veine Soul de meilleur aloi. Même si le Rock'n'Roll Trio est plutôt dans son élément sur les pièces rapides et âpres, le chant de Johnny Burnette relègue bien loin la version bubblegum de Mick Hucknall (SIMPLY RED). Autre emprunt au R&B, avec "All By Myself", un boogie piano de Fats DOMINO plus ou moins pompé chez Big Bill Bronzy. Si l’intro de guitare de Grady Martin nous renvoie en plein territoire Country, le morceau prend vite une forte coloration Hillbilly Rock avec un chant toujours aussi déterminé. Autre chanson issue du répertoire afro-américain "Drinking Wine, Spo-Dee O Dee", une modeste chanson à boire de Stick McGhee qui enregistra sa chanson en 1947 sans le moindre succès. Deux ans plus tard, le guitariste met en boîte une seconde version, se contentant lors de l’intro de changer la ville de Petersburg en New Orleans, un changement qui vaut à son auteur de connaître son plus gros succès. Il est amusant de voir que certains titres suivent des cursus par styles. Ce titre fut repris pendant une décennie par des musiciens de R&B avant de tomber dans l’escarcelle de nombreux péquenauds, puis la chanson fit les beaux jours des rockeurs avant de retomber dans la besace de nombreux bluesmen. Le trio avec Paul Burlinson à la rythmique nous en offre une version conjuguant merveilleusement Hillbilly et Rockab, Buddy Harman se servant de ses baguettes comme d’un frottoir. L’une des meilleures versions avec celles du sudiste Malcolm Yelvington et des bluesmen Nappy Brown et Larry Dale. Dernier emprunt au répertoire noir avec "The Train Kept A Rollin", un petit R&B semi-dansant gravé par Tiny Bradshaw pour le label King au tout début des fifties. Burnette et ses sbires transforment cette vieille locomotive un brin guimauve en un TGV nouvelle génération. La contrebasse de Dorsey Burnette fait office de charbon ardent tandis que la guitare de Grady Martin semble prendre feu devant les cris du cadet Burnette. Un titre maintes fois repris mais jamais égalé.

N’oublions pas que les deux frangins et leur pote Paul étaient aussi capables de composer. "I Just Found Out" une belle ballade Hillbilly annonce plus ou moins dans quel gouffre n’allait pas tarder à tomber Johnny Burnette : celui de la compromission et de la chansonnette pour midinette. "Your Baby Blue Eyes" se révèle un excellent mid-tempo ; le titre sera remis au goût du jour lors du Rockabilly Revival par les STRAY CATS. Histoire de faire baisser la température, les Burnette interprètent "I Love You So" accrédité au producteur Henry Jerome mais compo probable du trio avec les Anita Singers en choristes espiègles. Un honnête Teen Rock. Enfin, le trio savait apporter un peu de légèreté et d’exotisme à son répertoire comme en atteste "Lonesome Tears In My Eyes", titre repris par les BEATLES lors d’un show à la BBC en 63, et enfin par … Rocky Burnette⃰.

Malgré trois ou quatre titres plus doux et certainement exigés par Henry Jerome°, ce disque fait figure de référence dans le domaine du Rock'n'Roll. Aujourd'hui, le pressage original se négocie aux alentours de 2000 €. Récemment, sur le site d’un célèbre vendeur en ligne de disques d’occasion, un faux Coral (CRL57080) s’est vendu à 500 €. Si comme moi, votre bourse ne vous permet pas l’achat d’un tel joyau, vous pouvez bifurquer sur le pressage anglais de 1966 Ace of Hearts (une filiale petit budget de Decca) ou sur la vingtaine de rééditions proposée par MCA et Universal. Afin de faciliter une meilleure visibilité et de rester cohérents, F.P. a opté de classer ce disque de référence avec les Johnny Burnette.

⃰ Rocky Burnette est le fils de Johnny, le neveu de Dorsey et le cousin de Billy.

°Henry Jerome a également composé et s’est accrédité des titres sous le pseudo d’Al Mortimer.

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- Johnny Burnette (chant)
- Dorsey Burnette (contrebasse, chant)
- Paul Burlinson (guitare)
- Grady Martin (guitare 1-2-3-5-6-7-8-9-10-11-12)
- Buddy Harman (batterie )
- Bob Moore (contrebasse 4)
- Owen Bradley (piano 2-3-9-11)
- Anita Kerr Singers (choeurs 2-3-9-11)


1. Honey Hush
2. Lonesome Train (on A Lonesome Track)
3. Sweet Love On My Mind
4. Rock Billy Boogie
5. Lonesome Tears In My Eyes
6. All By Myself
7. The Train Kept A-rollin'
8. I Just Found Out
9. Your Baby Blue Eyes
10. Chains Of Love
11. I Love You So
12. Drinking Wine, Spo-dee-o-dee, Drinking Wine



             



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