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- Style : Emily Jane White

Marissa NADLER - For My Crimes (2018)
Par AIGLE BLANC le 1er Juin 2020          Consultée 688 fois

Après un premier album remarqué, Ballads of Living and Dying, en 2006, voici le huitième opus For My Crimes (si l'on excepte les E.P qui s'apparentent quelquefois à de vrais albums) en 2018. Cela fait une moyenne d'un nouvel album tous les deux ans. Marissa NADLER continue à satisfaire ses fans (même confidentiels) en leur adressant avec la régularité d'un métronome de jolies missives sous la forme classique d'un recueil de 10 ou 11 chansons où elle donne des nouvelles rassurantes, c'est-à-dire dans son cas des nouvelles tristes et mélancoliques, d'une morbidité presque maladive.
Marissa NADLER appartient à la tradition des folkeux de la trempe des Nick DRAKE et Leonard COHEN auxquels elle a l'habitude de se référer non pas forcément comme sources d'inspiration, mais comme affinités électives. Bien entendu, il ne faut pas attendre de ces artistes un renouvellement permanent de leur inspiration. Là n'est pas le sens de leur engagement artistique. Il faut plutôt appréhender chacun de leurs albums comme une lettre censée diagnostiquer leur état d'âme du moment. Marissa NADLER est une jeune femme à la silhouette gracile semblant jaillie d'un tableau romantique, le regard envoûtant plongé dans le bain introspectif de ses peines et de ses douleurs, comme autant d'alliées, de soeurs et de compagnes... comme autant de muses qui distillent à travers ses mélodies et ses mots faussement naïfs leur nectar à la sombre noirceur.
On peut la rapprocher de deux autres artistes féminines, ses soeurs spirituelles, auxquelles elle n'a rien à envier en termes de mélancolie et d'humeurs maussades, j'ai nommé Hope SANDOVAL et Emily Jane WHITE, Mariee SIOUX et Alela DIANE s'abreuvant quant à elles à une inspiration bien plus sereine et lumineuse, quoique proche musicalement.
Les réfractaires à la folk classique ont peu de chance de goûter la saveur atone des chansons de Miss NADLER, les autres affectionnant les ambiances feutrées et douces, les gothiques de longue date en mal d'artistes torturés, risquent de se vautrer dans le nectar, sournois et vicieux tant il s'avère addictif, dont sont enrobées les compositions de la dame.
Vous l'avez compris, n'espérez même pas un rayon de lumière égaré dans ce flux morbide, mais jamais désespéré (comment notre auteure-compositrice-interprète pourrait-elle se sentir désespérée, elle qui n'a jamais espéré quoi que ce soit, et encore moins combattre ses démons et hantises?). Cette constance ahurissante de l'humeur trouve son équivalent dans le format inchangé de ses offrandes (chaque album contient invariablement 10-11 chansons totalisant 45 à 48 minutes de musique). Les arrangements reproduisent de même la formule indémodable (guitare acoustique/voix) à laquelle se greffent quelques écarts à la guitare électrique et aux synthétiseurs sans que cela devienne pour autant une signature identifiable.
Il ne faut pas espérer non plus (et d'ailleurs nous les fans le souhaitons-nous?) que dame NADLER varie le chant d'une chanson à l'autre comme d'un album à l'autre. Sa voix gracile, nimbée d'un écho, parfois doublée par une choriste discrète si ce n'est par elle-même, se pose sur les notes et les mots sur un ton douloureux au-delà de la plainte, c'est dire le degré de spleen qui l'habite.
A ce régime, la lassitude qui semblerait inévitable à un artiste lambda, tant au sein du même opus qu'à l'échelle d'une telle discographie, ne paraît nullement entamer l'inspiration de Marissa NADLER qui conserve la souveraineté de son art, bâti sur de jolis arpèges de guitare acoustique égrainés avec une constance digne de notre Georges BRASSENS national, sur la sinuosité doucement distillée d'un violon ou d'un violoncelle venant toujours à propos et sur des claviers aussi discrets que classieux conférant à l'ensemble une patte irrésistible. A ceux qui fustigeraient trop facilement l'immobilisme de l'artiste prisonnière d'une formule répétée ad libitum, je rappelle qu'il est ainsi infiniment plus difficile de convaincre dans la durée, la répétition des mêmes schémas, bien que délicatement brodés, ne pouvant qu'assécher l'inspiration donc le talent. Et c'est ce pour l'instant à quoi échappe comme par miracle la chanteuse américaine. Comment est-ce possible ? Où puise-t-elle depuis 14 ans la magie renouvelée de ses chansons presque toutes interchangeables ? Ne me demandez pas de répondre à ces questions sous peine de détruire les mystères de l'art.
Miss NADLER est l'artiste idéale pour tout fan qui se respecte, c'est-à-dire vivant dans la crainte que le partage de son idôle par le plus grand nombre ne réduise de façon exponentielle son talent.

For My Crimes ne se situe pas au-dessous de ses offrandes antérieures, mais il ne les domine pas non plus de son talent sans partage. Chaque titre réserve son lot de séduction ou d'émotion, que ce soit la sérénité trompeuse de "For My Crimes" soutenue par les arpèges entêtants de la chanteuse-guitariste, la douceur nocturne de l'envoûtant "Are You Really Gonna Move To the South?" décuplée par les propres choeurs de l'interprète, la sombre et gothique "Blue Vapor" aux accords de guitare obsédants, la très lynchienne "All Out of Catastrophes". Nous avons tendance à penser que le dernier tiers de l'album laisse poindre une certaine lassitude, les chansons, quoique toutes convaincantes, manquant peut-être du petit plus imperceptible qui les transcende. En atteste à l'inverse la belle réussite de "I Can't Listen To Gene Clark Anymore", composition typique de miss Nadler que vient sublimer le violon sinueux et caressant de Janel Leppin, moment de grâce en apesanteur comme il en existe tant dans la discographie de la chanteuse et qui justifient à eux seuls l'envie d'y revenir et l'attente frémissante de sa prochaine livraison.

P. S. La peinture ornant la pochette de l'album, et dévoilant la vision tourmentée d'un paysage marin aux accents noirs et blancs typiques du romantisme pictural, révèle en miss NADLER une peintre au talent singulier, totalement anachronique puisqu'évoquant de façon troublante les marines de William Turner et, surtout, les paysages impressionnants de notre Victor Hugo national qui, comme peu le savent, n'était pas qu'un écrivain de génie mais s'avérait aussi un excellent peintre, talent qu'il n'a jamais voulu exploiter mais dont Marissa NADLER semble avoir hérité. L'influence est patente et pas si surprenante que cela après tout.

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   AIGLE BLANC

 
  N/A



- Marissa Nadler (guitare, voix, pédales basse,hammond b3)
- Angel Olsen (choeurs)
- Sharon Van Etten (chœurs)
- Janel Leppin (cordes, violoncelle modifié, mellotron)
- Eva Gardner (basse)
- Mary Lattimore (harpe)
- Dana Colley (saxophone alto)


1. For My Crimes
2. I Can't Listen To Gene Clark Anymore
3. Are You Really Gonna Move To The South?
4. Lover Release Me
5. Blue Vapor
6. Interlocking
7. All Out Of Catastrophes
8. Dream Dream Big In The Sky
9. You're Only Harmless When You Sleep
10. Flamethrower
11. Said Goodbye To That Car



             



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