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ANARCHO POST-PUNK  |  STUDIO

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The EX - Tumult (1983)
Par K-ZEN le 29 Septembre 2020          Consultée 771 fois

L’homme est prisonnier. Esclave. Asservi. Il est écarlate de colère, coincé derrière ses barreaux. Il les empoigne, essaye de les tordre de toutes ses forces. Ses mains se mettent à saigner, lentement. Bientôt, le sol rougit. Déjà, les barreaux sont devenus des barbelés. Notre homme s’écroule sur le sol, de tout son long et de tout son poids. Avant de tourner de l’œil, il peut voir son bourreau le regarder calmement, sans cliquer des yeux, sans esquisser le moindre geste ou parole qui auraient un goût de réconfort ou d’empathie. Le lendemain, il se réveillerait et réessayerait de briser ses chaînes. Comme un supplice de Prométhée modernisé, où le vautour devient un réveil numérique sinusoïdal, symbole d’une implacable routine.

Tumult de THE EX, c’est une claque bien sèche qui laisse la joue empourprée et l’esprit marqué au fer rouge. Ces quatre terroristes sonores, chacun bien à sa place, concentrés dans ce qu’ils ont à faire et brandissant leurs instruments ou micro au-dessus de leurs têtes, poursuivent l’épuration de leur son et de l’anarcho-punk de leurs débuts, bref et crasseux, entamée avec Dignity Of Labour sorti la même année, pour le canaliser en une musique plus pernicieuse mais tout aussi énergique.

Certains morceaux conservent toutefois les stigmates d’un passé punk pas si éloigné, notamment la durée des titres et leur aspect rêche. "The Well-Known Soldier" assène un direct du gauche imparable avec un riff tranchant et un cynisme déconcertant. "Squat !", que vous avez peut-être vu à la télé entre deux réclames pour des régimes accompagnés, est scandé au cœur d’une manifestation. "Fear", le "White Riot" des EX, assène une ligne de texte finale assez incroyable : « Je ne crains aucune mouche autour de ma tête. Quand elles arrivent, je suis seulement mort ».

Ailleurs, l’air se fait plus rare. Il faut se battre pour avoir sa part. Les durées s’allongent, les structures se font élastiques avec une basse omniprésente, comme jouée sur un câble métallique. "Bouquet Of Barbed Wire" chasse sur les terres de John LYDON et de KILLING JOKE avec cet aspect tribal, électrique et statique ; "F.U.N.E.I.D.Y" se fait sourd et menaçant. Les situations inconfortables se succèdent, aucun sujet n’est évité, tout le monde en prend pour son grade. Tumult est un album éminemment politique par ses textes et titres à l’ironie palpable et décapante.

"Happy Thoughts" attend « le big bang » sur un curieux drone non sans rappeler "Testcard" de THIS HEAT. "Survival Of The Fattest" change les règles édictées bien hâtivement par Newton et charge l’exploitation patronale (« Voici la plage où les patrons dorment ») sur une musique désarticulée à la Captain BEEFHEART. "Hunt The Hunters" s’attaque à la chasse aux phoques, "Island Race" aux guerres qui masquent les problèmes sociétaux. "O.S.L" , plus mystérieux, raconte peut-être les grèves de 1943 contre les Allemands (« il y a quarante ans ») qui projetaient d’envoyer en captivité les soldats néerlandais. A moins qu’il n’évoque plutôt la collaboration et les règlements de compte qui en résultent en fin de guerre. C’est en tout cas un titre d’une redoutable efficacité.

Avec ce brûlot vindicatif et orageux, THE EX a rempli sa tâche avec brio. Cette bande-son urbaine, malsaine et insidieuse se loge dans un petit coin de l’esprit pour ne plus jamais en sortir. THE EX peint un paysage de désolation, sans autre couleur que le noir et le blanc, où quelque chose de plus sombre et déshumanisé encore aurait remplacé le goudron des villes. Paradoxalement, tout espoir de changement n’est pas pour autant perdu.

Au dos de la pochette, les barreaux ont fini par céder, laissant s’échapper son contenu comme une boîte de Pandore. Les épées s’entrecroisent, comme une prise de conscience de ce qui se passe. Sur Solaris, Kris Kelvin sent ses paupières brûler en même temps que les pages du Petit Apocryphe s’égrènent. Dans une autre dimension, en Uruguay, dos au mur et dans un état de tumulte avancé, Yves Montand n’a d’autre choix que d’accepter de tomber le masque. Dans la radio des Tupamaros, entre le stress des flashes d’information, "Same Old News" passe en boucle, ultime rempart à la tempête toute proche.

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- Sabien (batterie)
- Bas (basse)
- Terrie (guitare)
- G.w. Sok (chant)


1. Bouquet Of Barbed Wire
2. Fear
3. Hunt The Hunters
4. Survival Of The Fattest
5. Red Muzak
6. Happy Thoughts
7. The Well-known Soldier
8. Black And White Statements
9. Squat!
10. Same Old News
11. F.u.n.e.i.d.y.
12. O.s.l. (new Schvienhunt League)
13. Island Race



             



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