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PROTO-ROCK IN OPPOSITION  |  STUDIO

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1973 Leg End
1974 Unrest
1975 In Praise Of Learning
1978 Western Culture
 

- Style : The Soft Machine , Van Der Graaf Generator, King Crimson, Univers Zero, Soft Heap
- Membre : Art Bears, Naked City, National Health, Slapp Happy/henry Cow

HENRY COW - Unrest (1974)
Par K-ZEN le 22 Décembre 2020          Consultée 1206 fois

Essayons (à nouveau) de reprendre le fil qu’oncle Ariane avait laissé derrière lui.

1974 constitue une année de changement dans la galaxie HENRY COW, quintet de Cambridge ayant déjà 6 ans d’existence effective mais un seul disque à son compteur, le bien nommé Leg End, encore fortement marqué par la grandiose scène de Canterbury. Le départ du saxophoniste et flûtiste Geoff LEIGH a été entériné, en même temps que l’arrivée de Lindsay COOPER au basson et hautbois. Cette nouvelle recrue entraîne un certain remaniement dans le grain de la musique du groupe, plus classique au vu de la formation de la musicienne, mais également plus expérimental et éloigné des standards rock ou jazz si on observe les instruments invoqués. UNIVERS ZERO et les autres chantres du Rock In Opposition à venir sauront faire le même calcul au moment de penser leur composition future.

Le deuxième Henry COW, Unrest, est d’ores-et-déjà un basculement. Dans son sillage, la tournée avec Captain BEEFHEART est une prise de conscience de l’enfermement du groupe dans un schéma trop bien établi (peut-être ces chaînes matérialisées dans la photo arrière, dans le renfoncement de la seconde chaussette désignée par Ray Smith). Les sets se répètent, le collectif ne se retrouve plus dans ces concerts dignes des combos de rock les plus conventionnels. COOPER renvoyée en Angleterre, le tour d’Hollande est terminé en quatuor, permettant la reprise en main et du fil des improvisations (certaines d’ailleurs immortalisées sur Concerts). La suite est une mise en pause des concerts et une fusion avec le groupe allemand SLAPP HAPPY, rencontré quelques mois auparavant au Manor, à la fin de l’enregistrement de son premier album. Il en sort Desperate Straights.

Mais revenons à l’objet de notre analyse. Dans mon cerveau, Unrest, ça voulait dire tumulte. Le contraire d’une sieste, en gros. Plus que 'agitation', on retient le sens 'trouble' qui, finalement, colle parfaitement au sentiment ressenti, digne des albums de jazz les plus audacieux et effervescents du label Blue Note.

"Bittern Storm Over Ulm" porte encore d’ultimes stigmates canterburiens en inaugurant l'harmonie des instruments à vent. Le titre, déconstruction d’une chanson des YARDBIRDS, doit beaucoup à Robert FRIPP au niveau du son de la guitare. Un morceau court mais bon.
"Half Asleep ; Half Awake" introduit de facto « les hautbois dansants », parfaits pour le réveil. La touche Canterbury s’estompe en même temps que le labyrinthe s’épaissit et se complexifie. Impossible de s’accrocher à ces structures mouvantes qui s’effritent. Plus que free jazz, du free prog. La basse vrombit, les menaçantes notes de piano finales annoncent la concrétisation du minotaure alors tout proche, caché dans un renfoncement mural, Dark Vador attendant son Obi-Wan Kenobi.

"Ruins" débarque avec ses tritons en laisse et ses imposantes 12 minutes, décomposées en 7 sections plus ou moins distinctes. Pièce écrite par le guitariste Fred Frith en utilisant les nombres de Fibonacci pour établir le rythme et les harmonies, similaire aux travaux de Béla BARTÓK en son temps, elle a été enregistrée sans aucune modification par le groupe, comme l’indique Tim Hodgkinson qui avait pourtant pour habitude de réarranger à sa sauce le matériel écrit. Certains instruments ont été enregistrés à vitesse doublée ou divisée par 2. L’orgue saturé, semblant être joué par Mike Ratledge (SOFT MACHINE, une influence assumée du groupe) depuis la colline d’en face en fait-il partie ? A priori non. Mais où veulent-ils donc nous emmener ? Dans le jardin discret de la quatrième phase, la plus décisive, cette fanfare de bassons et de violons qui s’entrechoquent, dans des réactions chimiques savantes et secrètes. L’audacieux KING CRIMSON revient en mémoire et "Fracture", c’est certain, mais quand bien même. Musique de chambre ? Peut-être. Mais quelle chambre ? Lucifer y attend bien au chaud cette accélération finale avant de héler un taxi pour rentrer chez lui. Une orchestration cacophonique, une guitare délurée, des clarinettes insolentes. 12 minutes décisives où toutes les fulgurances du RIO à venir sont déjà là. UNIVERS ZERO, ART ZOYD, tous les autres confrères, francophones pour la plupart, ou liés dans l’avant-garde (THIS HEAT), patientent tranquillement dans l’antichambre.

La maîtrise semble ainsi parfaite et pourtant… On touche déjà à la fin du matériel écrit. En effet, seule cette première moitié de disque a été véritablement couchée sur papier. Enregistré en un mois, sa face B a été totalement improvisée, après la compréhension qu’on n’aurait pas assez de contenu pour un album d’une durée plus ou moins convenable. Des pièces générées en studio et par le studio avec divers procédés : improvisation libre, boucles, bandes, layering, overdubs. Comme pour d’autres albums-concepts que l’on connaît bien (Sgt Peppers des BEATLES en tête), le studio d’enregistrement devient un instrument à part entière.

Enfin presque. "Solemn Music", petite pièce pour petit-déjeuner au lit, est tirée de la bande-son conçue pour le film The Tempest de John Chadwick. Pour le reste, on tient parole, promis. On nage dans un cyclone, déplacement aléatoire sur une cartographie en jeu de dames.

"Linguaphonie" est une mixture bizarre dont on se méfie avant d’y tremper les lèvres. Le mot en lui-même a-t-il un sens d’ailleurs ? Des voix s’écrient dans un langage inconnu. Un message radio est émis. Papa tango Henry. Des grincements de porte, ou de dents, s’écrient. Des fraises attaquent du tartre ou du ciment. Des claquements, des robinets fuient. Un studio de télévision s’écroule. La musique concrète s’incarne dans son aspect le plus austère. A côté, "Alan’s Psychedelic Breakfast" de PINK FLOYD en deviendrait presque une partie de plaisir. "Upon Entering the Hotel Adlon", mené de main de maître par la basse, et l’aérien "Arcades", expriment un peu plus de normalité en se réfugiant sous les créneaux alors que la pluie commence à tomber.

Le métaphysique "Deluge" termine sur une superbe note d’équilibre, traversée toutefois de convulsions, finalement rompue lorsque l’aspect méditatif de la pièce prend la main. Les percussions s’effacent, le brouillard tombe lentement sur Cambridge. Dans sa progression, le titre me fait songer à certains morceaux d’AUTECHRE, "Drane" ou le splendide "Piezo" qui s’envole dans la stratosphère après avoir visité le monde du langage binaire. Le morceau se termine sur une brève mélopée interprétée par John GREAVES au piano et à la voix.

Unrest. Un préfixe privatif. Comme pour lui ôter cet espoir de repos qu’il ne recherche plus à présent. Pourquoi on dort, au fait ? Un mec disait Dormir, c’est mourir un petit peu, impossible de me rappeler qui. Jack Torrance ne dort plus et pourtant... Son regard carnassier, après s’être déposé sur ses compagnons d’infortune, se tourne à présent sur ces feuillets vierges. Dans un état d’entropie avancé, avant d’essayer de trouver des idées pour son prochain roman, il va tenter de visualiser la compacité de ce cristal dans lequel il est prisonnier.

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- Tim Hodgkinson (orgue, piano, sax, clarinette)
- Fred Frith (guitare, violon, xylophone, piano)
- John Greaves (basse, piano, chant)
- Chris Cutler (batterie)
- Lindsay Cooper (basson, hautbois, flûte, chant)


1. Bittern Storm Over Ulm
2. Half Asleep ; Half Awake
3. Ruins
4. Solemn Music
5. Linguaphonie
6. Upon Entering The Hotel Adlon
7. Arcades
8. Deluge



             



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