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BONEY M - Nightflight To Venus (1978)
Par LE KINGBEE le 20 Février 2021          Consultée 1298 fois

Saint Exupéry avait ébloui de nombreux lecteurs avec Vol de nuit, roman contant le quotidien d’une compagnie d’aviation dans un pays d’Amérique du Sud durant les années trente. La question de placer la barre encore plus haut a peut-être germé dans le cerveau de Frank Farian, un mégalo de première. Si l’auteur du Petit Prince nous contait les aventures d’une compagnie de l’aéropostale, l’Allemand s’est mis dans la tête de nous expédier sur Venus, parfois considérée comme jumelle de notre terre.

Depuis deux ans, BONEY M enchaine les cartons à la fois sur les ondes, les charts mais aussi dans toutes les discothèques européennes. Ancien cuistot reconverti dans l’industrie du disque, Farian, de son vrai nom Franz Reuther, a une combine en or massif : deux hits édités en singles qu’il incorpore dans chaque galette.
Retraçons rapidement l’époque : en janvier, on arrête de fabriquer la coccinelle, en mars, l’Amoco Cadiz se fracasse sur nos côtes, ce qui nous vaut de belles galettes aussi noires que nos vinyles, en juillet les anglais mettent au monde le premier bébé éprouvette, en octobre Brel rejoint le paradis, en décembre les chinois, décidemment peu à cheval sur les saisons, nous offrent le Printemps de Pékin, enfin l’année sera celle des Trois Papes. Coté mode chez les femmes les paillettes, les hauts talons et chaussures compensées se vendent encore par wagons, tandis que chez les hommes la tendance consiste à couvrir son col de veste avec un gigantesque col de chemise, des images bien démodées, mais attention il parait que les modes reviennent tous les 40 ans.
Musicalement Travolta et Newton John chantent à tue tête « You’re the one that I want », les BEE GEES trustent les classements, Gerry RAFFERTY investit Baker Street, Bob Marley sort « Jamming ». Chez nous Plastic Bertrand plane, Claude François se paie un voyage en Alexandrie et en fin d’année Noam chante Goldorak. Bref une fois sur deux on nage en plein Disco, l’autre partie étant hélas bien souvent consacrée à de vulgaires produits. La fin d’une belle époque !

La pochette ne laisse que peu de doute vers la destination de BONEY M. Bobby Farrell, un freluquet de première, tire à la seule force de ses bras trois anges noirs tout de blanc vêtus vers des voutes célestes. Pour Venus cela attendra un peu. La pochette dorsale nous permet de voir que cette expédition a provoqué des changements surprenants, les trois angelots se sont transformés en adoratrices du Diable couverts cette fois de combi short vinyle alors que le leader a troqué sa belle tenue aussi blanche qu’immaculée pour une panoplie lorgnant sur Dracula et un suppôt de Satan. Ridicule d’autant plus que les quatre pantins sont sur un nuage et attendent de grimper sur une échelle en corde, engin qui fait penser à celui utilisé dans "Bonne Nuit les Petits", célèbre série de Claude Laydu avec Nounours et Ulysse le marchand de sable. A y réfléchir de plus près, ces visuels ne sont pas plus grotesques que les précédents et contribueront même à faire fructifier les ventes.

Comme à l’accoutumée, Frank Farian compose avec son équipe d’auteurs compositeurs des titres dansants destinés principalement aux dancefloors et s’attaque à diverses reprises, le bonhomme et ses sbires étant toujours capables de rebondir sur des obscurités ou des inusités. "Nightflight To Venus"⃰, titre d’ouverture donnant son nom à l’album propose une solide partie de batterie sur laquelle viennent se greffer des bruitages inspirés d’une part par le film de George Lucas "Star Wars", énorme succès de l’année précédente, et des intonations piquées chez de nombreuses formations de musique électronique (KRAFTWERK, SPACE ART, Giorgio MORODER). N’oublions pas que Farian est un as dans le pompage. Diverses compositions, souvent trop longues, agrémentent le disque : "He Was A Steppenwolf" n’a bien sur aucun rapport avec le groupe de John Kay, il s’agit d’un titre Disco dans lequel s’emboitent tour à tour un patchwork de sonorités pompées chez Donna SUMMER et dans le "Shaft" d’Isaac HAYES, le tout sous un fond répétitif bourré de violonades. "King Of The Road" gorgé d’influences piochées dans le folklore des Caraïbes peut aujourd’hui faire figure de sous Ottawan. Le titre a toutefois le mérité de ne pas s’éterniser. "Never Change Lovers In The Middle Of The Night" s’annonce comme une honnête ballade qui aurait cependant mérité d’être raccourcie. On conseillera la reprise de Millie Jackson, l’une des reines de la chanson salace et anti-machos. "Voodoonight" s’oublie vite, malgré le bruit du vent en intro il n’y a aucune connexion avec la Voodoo Music, la magie n’opère pas une seconde, un comble avec un tel titre.

Après ce fatras de compos guère enthousiasmantes trois chansons émergent (du moins dans les charts et sur les ondes) "Rasputin" avec ses influences balkaniques fera danser toute la planète. En réalité la chanson est carrément pompée sur une vieux titre ottoman "Üsküdar a gideriken" connu aussi sous le nom de "Katibim".Pour l’anecdote, Raspoutine, célèbre pèlerin mystique à moitié guérisseur connu pour sa barbe, a été incinéré après son assassinat à Saint Pétersbourg, ville où Bobby Farrell sera victime d’une crise cardiaque et de son addiction à la poudre en décembre 2010. Il est difficile de croire qu’autant de gens dansèrent et continuent de danser sur un tel texte: "There lived a certain man in Russia long ago- He was big and strong, in his eyes a flaming glow - Hey, hey, hey, hey, hey, hey, hey, hey - Ra ra Rasputin -Lover of the Russian queen".
Autre exemple de parfait clonage, "Brown Girl In The Ring" prend sa source sur une comptine pour enfant chantée et composée par le bahamien Exuma (alias Anthony McFarlane). Suite à un rapide procès, Farian sera condamné à verser un forfait à Exuma. Un second procès interminable aura lieu via un chef d’orchestre roumain, la chanson ayant été également reprise par Malcolm’s Locks, premier groupe de Liz Mitchell. Preuve que Farian mangeait à tous les râteliers.
Farian fut selon certains un créateur de génie, on ne vend pas autant de disque par l’opération du Saint-Esprit, le bonhomme était aussi sacrément gonflé. C’est ainsi qu’il n’hésite pas un instant à s’accréditer "Rivers Of Babylon", titre des Melodians gravé en 1970 (titre au générique de "The Harder They Come" avec Jimmy CLIFF). Linda Ronstadt reprenait le morceau en 76 sur l’excellent "Hasten Down The Wind". Toujours est-il que Boney M fera rentrer la chanson inspirée d’un psaume biblique dans l’inconscient collectif.

Au rayon des reprises, Boney M reprend "Painter Man", l’un des rares succès des Creation. Le choix parait logique, les anglais ayant connu autant de succès en Allemagne que sur leur terre. Malgré un solo de guitare, on a du mal à se faire aux voix féminines qui finissent par agacer. Les amateurs de Rock et de tendance Mods feront la différence. Dernière reprise avec "Heart Of Gold" titre de Neil YOUNG figurant sur l’emblématique "Harvest". Si Bettye LaVette en avait fait une version Soul de toute beauté en 1972 via un single édité par Atco, là c’est carrément du massacre auquel se livre Farian, voir un génocide qui mérite d’être vivement dénoncé. Le titre perd toute son âme ici, en intro les chœurs font plus penser à une chorale de salariés oeuvrant pour Prisunic ou Car Glass♠, les arrangements et le synthétisme de l’orchestration sont clairement déplorables, le jeu d’harmonica pourtant basique ne semble concerné que de loin. Mais on peut être sûr que dans sa tête, Frank Farian était persuadé d’avoir pondu une pépite.

Aujourd’hui au moment de faire les comptes, on se dit que cette galette aura été celle de la consécration pour Boney M. Ce troisième opus deviendra le plus vendu du groupe. Trois titres ont fait danser la moitié de la planète et certains d’entre eux sont rentrés dans l’inconscient collectif. Quelques titres figurent au génériques de films hollywoodiens, d’autres dans la bande son de jeux vidéo. Musicalement le constat est plus sévère, entre des titres honteusement pompés chez les autres, des plans piqués à gauche, des idées volées à droite, ce disque n’est en fait qu’une coquille vide, un vol de nuit vers le néant. Plus triste encore, il ne se passe pas un jour sans qu’un ou deux titres ne soient vomis par une radio, passé lors d’un anniversaire ou d’un mariage. Mais là, c’est plus logique, certains porteurs de soutane ne craignant pas de nous rappeler le rôle des rivières dans la Babylone de la Bible.
Comment mettre un 1 à un disque qui s’est autant vendu ? Ne perdons pas à l’esprit que le but d’un disque réside dans son achat et les profits qu’il génère, à l’instar d’un rouleau de papier toilette ou d’un balai chiotte. En cette période de pandémie dont on risque de se souvenir pendant très longtemps, soyons généreux, complaisant ou à défaut charitable en attribuant un petit 2 à ce disque, mais rappelez-vous bien que Venus n’a guère d’intérêt pour nous. Personne ne joue ou produit de la musique sur cette planète.

⃰ Ce disque réédité à maintes reprises sous une pluie de labels connait quatre versions. Le titre d’ouverture donnant lieu à 4 versions de durées différentes. En 1994 le disque est apparu en format CD avec deux titres bonus, que je ne connais pas et j’avoue ne pas avoir eu le courage d’approfondir le sujet.
♠ Je n’ai rien contre Prisunic, firme faisant désormais partie du temps passé. La firme Car Glass est par contre intempestive avec ses innombrables passages publicitaires. Un firme qui finira certainement sur le carreau, un comble au vu de sa fonction.

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- Liz Mitchell (chant)
- Marcia Barrett (chant, choeurs)
- Maizie Williams (chant, choeurs)
- Johan Daansen (guitare)
- Mats Björklund (guitare)
- Gary Unwiin (basse)
- Keith Forsey (batterie)
- Michael Cretu (piano, claviers)


1. Nightflight To Venus
2. Rasputin
3. Painter Man
4. He Was A Steppenwolf
5. King Of The Road
6. Rivers Of Babylon
7. Voodoonight
8. Brown Girl In The Ring
9. Never Change Lovers In The Middle Of The Night
10. Heart Of Gold



             



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