JANE'S ADDICTION est un groupe un peu atypique. Régulièrement encensé par la critique qui lui a très vite collé l’étiquette de groupe culte dès la sortie de leur second album, Ritual De Lo Habitual en 1990, la bande à Perry Farrell n’avait pourtant à ce jour accouché que de trois disques en vingt-six années d’existence. Et on ne peut même pas dire que cette rareté soit un gage de qualité, car à l’exception de la galette précitée, et dans une moindre mesure de Strays (2003), le reste de sa production ne brille pas particulièrement. Alors, que penser donc de ce Great Escape Artist qui reste à ce jour le dernier disque du groupe.

Un album qui nous arrive après une énième reformation et après le départ du bassiste et co-fondateur du groupe, Eric Avery ? A mon sens, le constat est très mitigé. Une première écoute fait apparaitre un groupe très professionnel, très mature et bénéficiant d’un son excellent. Mais les écoutes suivantes ne renforcent pas réellement cette première impression, et l’on se prend rapidement à chercher en vain le petit grain de folie, l’énergie et la passion débordante qui habitaient JANE'S ADDICTION à ses débuts.

De fait, on reste quasiment en permanence dans le prévisible, dans le commun, dans le simple. Nulle trace de ces rythmiques décalés et inattendus qui faisaient le charme du groupe (tout autant qu’elles repoussaient certains auditeurs). Pas plus de trace des expérimentations musicales, pas toujours heureuses, mais toujours courageuses, que l’on saluait tout autant qu’on redoutait. La chanson "Irresistible Force" est un bon résumé de ce disque : le morceau est très bien construit, très efficace, très actuel. On jurerait entendre la B.O. d'un film pour adolescents interprétée par EVANESCENCE. Mais on serait bien en peine d'y trouver la moindre aspérité, la moindre trace personnalité, d'originalité. Tout est formaté, surproduit, aseptisé. Cela donne furieusement le sentiment que l’inspiration et la créativité ont laissé place au savoir-faire, au calcul et à la production.

Pour décevant qu'il soit, cet album n’en comporte pas moins quelques (rares) bons moments. Ainsi, le chant sur "Splash A Little Water On It" est gorgé de chaleur et les guitares sont efficaces. Et comme au surplus, (au risque de se répéter) le son est excellent, le morceau fait mouche. "Words Right Out Of My Mouth" est un autre pic au sein de cet encéphalogramme plat. Un court moment où on se dit que que le groupe a enfin déniché une boîte de Guronsan et qu’il se lâche un peu, mais l’espoir est bien éphémère.
Et cela est bien insuffisant pour sauver l'ensemble. Et globalement cet album est trop sérieux, trop propre, trop classique pour pouvoir convaincre une personne connaissant déjà le combo. Les amateurs de Rock légèrement musclé pourraient y trouver un intérêt (modeste). Mais il serait plus que surprenant que quelqu’un soit à même de fredonner un seul de ces airs dans seulement un an.

Il est à noter que l’album est ressorti en 2012 accompagné d’un second disque dans lequel on retrouve les anciens succès du groupe en version live. Alors soit, la qualité du son laisse à désirer, mais cela n'est pas très important car on retrouve l’énergie et la folie du groupe, notamment lors d’un "Three Days" qui s’étire sur plus de onze minutes.