Durant la période allant de 1993 à 1995, THERAPY? a connu une période faste avec les très bons Nurse (1993), Infernal Love (1995) et l’excellent Troublegum (1994). Depuis, le groupe sort régulièrement des albums qui, s’ils sont plaisants à écouter, ne défraient plus la chronique. Et s’il y a une certitude, c’est que ce Crooked Timber n'est pas bâti pour inverser cela. En effet, si, par le passé, le groupe a souvent hésité quant à la direction artistique à prendre, oscillant entre la pop, le punk et le heavy, avec Crooked Timber, THERAPY? a décidé de ne prendre aucune décision. De fait, il nous sert là un disque brouillon qui part un peu dans tous les sens et qui couvre un peu tous les styles auxquels le groupe s'était essayé jusqu'alors.

Mais au-delà de cette absence d’homogénéité, c’est la pauvreté des compositions et le manque de passion dans l’interprétation qui posent problème. A l’exception de la section rythmique, et notamment de la batterie bien en place qui dynamise les morceaux, le reste du groupe semble en roue libre. Les titres sont alignés sans relief ni saveur. Tout au plus, dresse-t-on une oreille un peu plus attentive sur deux ou trois morceaux tels "Magic Mountain", un instrumental de dix minutes qui passe successivement d’une ambiance Doom à la ORANGE GOBLIN à des univers plus atmosphériques pouvant presque faire penser à un mix de THE CURE et de SIGUR ROS. Ou bien le très mélodique "Exiles", une ballade assez plaisante transcendée par une section rythmique tout en finesse et en rondeur. Avec notamment un son de basse particulièrement envoûtant.

Le reste des chansons est dans le meilleur des cas très moyen. Il en va ainsi de "The Head That Tried To Strangle Itself", de "Clowns Galore", de "Crooked Timber" et son final hypnotique. Mais bien plus souvent, on sombre dans le totalement dispensable, voire le désagréable comme avec "Somnanbulist" et "Bad Excuse For Daylight" dont les relents Industriels sont particulièrement stériles. Le disque tourne sans que presque rien ne nous accroche. Aucune émotion (autre que l'ennui), aucune performance technique, aucune trouvaille sonore.

En 2009, THERAPY? a sorti avec Crooked Timber probablement son plus mauvais album. Il n’y a guère que le funeste Semi-Detached (1998) à pouvoir lui ravir ce triste titre. On ne retrouve dans ce disque aucune des qualités qui ont fait le succès du groupe : la voix d’Andy Cairns n’a plus la même rage teintée d’ironie que par le passé, et le groupe semble avoir perdu son sens de la mélodie. La formation aurait-elle fait le tour de sa créativité musicale et de sa capacité à surprendre ? Peut être pas... Il y a une lueur d’espoir dans ce naufrage. Les morceaux les mieux réussis sont souvent ceux à connotation Doom/Stoner, à l'image de "Magic Mountain", de "The Head That Tried To Strangle Itself" et de "Enjoy The Struggle".

Bien que cela ne soit pas encore suffisant pour parler réellement d’orientation musicale, il y a là une voie que THERAPY? aurait pu explorer avec bonheur. Ce ne fut pas le cas, mais la suite de leur production discographie ne sombra plus aussi bas.