Après la sortie de l’immense Happy Together et son total succès, les TURTLES sont désormais un quintette. Le départ de John Tucker laisse un vide, l’histoire restant dubitative sur la responsabilité d’un 'méchant' John LENNON lors d’une soirée arrosée à Londres réunissant BEATLES et TURTLES, le leader des scarabées de Liverpool ayant fait, d’après les dires rapportés par le chanteur Howard Kaylan, étalage d’une cruauté tout à fait déplacée envers le discret guitariste américain. Et nous voici donc repartis quelques mois plus tard avec entre les mains une couverture digne du MI6 et de son James Bond, avec nos cinq tortues déguisées pour l’occase. Mais l’album propose un concept mais oui, ils ont aussi rencontré les MOODY BLUES et leur lubies conceptuelles à Londres ! Ils campent ainsi un groupe différent par chanson, tout ça en fait de la psychiatrie !

Les aventures reprennent avec "Sound Asleep", cuivres en avant, quelques sonorités psychédéliques, mais manque d’une certaine clarté. Ce titre inchantable ne me semble pas un choix judicieux de single. Puis, nous avons "The Story of Rock’n’roll", composée par le coquin blondin Harry NILSSON, le meilleur pote du John précédemment cité, décidément ! Le titre est bien entendu aux antipodes de la pop joyeuse à laquelle le groupe nous a habitués depuis quelques années. C’est du chouette NILSSON, mais le résultat me laisse dubitatif. Ces deux titres vont à peine émouvoir le billboard jusqu’à la 50ème place. L’introductive "Battle of The Bands" qui sort de la même filiation, avec son shuffle très soul, ne me semble pas plus efficace.

C’est le moment où revient le maître des arrangements partis à la concurrence des MONKEES – on s’y perd avec tout ces animaux, sérieux ! -, Chip Douglas, l’homme derrière "Happy Together". Il s’occupe du single suivant, composé par Howie comme un pastiche désopilant de leurs succès précédents. Cette superbe composition remise au goût du jour par le splendide film Good Morning England` est "Elenore". Ah c’est sûr, si vous avez aimé le précédent TURTLES, celui-là ne pourra que vous faire fondre, une bluette d’amour magnifiquement jouée par le groupe, avec des lyrics de dingo du sieur Kaylan You’re my pride and joy etcetera. Il fallait la faire, tiens ! Une merveille, pas moins. On termine avec une song des BYRDS, McGuinn et Clark. "You Showed Me" tourne encore sur les radios classic rock. Son petit côté reptation la rend très originale et la mélodie se tient fort bien. Toutes les deux atteignent une méritante 6ème place au billboard.

Tout le reste est donc un concept, un gigantesque foutoir : "Surfer Dan" se veut un titre de surf, mais on coule. De la quasi countrypolitan avec "Too Much Heartsick Feeling", une espèce de tonk rock avec "Oh, Daddy !", toujours plongés sous hallucinogènes. Les percus de "I’m Chief Kamanawanatea" ont influencé BEASTIE BOYS et DELASOUL, pour le reste c’est inodore. Les gars zonent dans l’espace intersidéral sur "The Last Thing I Remember", hélas du sous BEATLES. "Umbassa And The Dragon" est abyssale. On surnage avec le country-folk de la trépidante "Chicken Little Was Right" qui annonce les couillonnades à venir de PRIMUS avec 25 ans d’avance ! "Food" ressemble à une musique de pub avec quelques essais vocaux qui annoncent QUEEN, pas une mauvaise référence cela dit, mais le sujet laisse là encore dubitatif ! Enfin, la mignonne "Earth Anthem", enregistrée à 3 heures du mat à la lumière des bougies, évoque les succès futurs de Neil DIAMOND, on l’aurait deviné, vu le titre !

Et donc un album concept. Les TURTLES y ont laissé de côté les aspects de pop joyeuse qui en faisaient un groupe si original. Tout est perdu avec ce grotesque concept de bataille des groupes qui laisse 'le' groupe originel errer dans des genres musicaux qui ne lui vont aucunement. Bien sûr, les présences conjointes de "You Showed Me" et surtout de la lumineuse "Elenore" adoucissent la note finale qui, sans cela, n’aurait pu atteindre le deux. La critique de l’époque a soutenu cet album, cela m’étonne car je ne lui trouve que peu de qualités, hormis les deux singles précités.