Il existe certaines chansons qui défient tout. Elles dépassent les standards, existent par elles-mêmes, par-delà le groupe qui les a chantées et par-delà le temps qui passe. Il y en a peu. Celle dont nous parlons est à mon sens la meilleure de l’année 67, chassant "Penny Lane" des BEATLES de la première place du billboard qu’elle a ensuite occupée pour plusieurs semaines. Nous avons déjà vu à quel point les TURTLES symbolisent une manière de vivre le rock : la camaraderie, le rire et les beaux sentiments – même si bien sûr tout doit rester relatif. Alors, lorsqu'atterrit sur le bureau du manager le titre "Happy Together", refusé par pléthore de super formations du moment – The VOGUES, The TOKENS -, le groupe sans hésiter un instant transforme le simple titre en la célébration qu’il est aujourd’hui. Nous sommes en 1967 et les TURTLES sont prêts pour l’étape vers le superstardom.

Je pourrais vous parler des heures de "Happy Together", tellement symbolique d’une vision des choses de la vie. Elle est jouée par le groupe qui représente le mieux l’esprit de camaraderie – ex-aequo avec DEF LEPPARD, allez. La mélodie composée par Bonner et Gordon est magnifique, toute de simplicité. Le nouveau bassiste Chip Douglas et les tortues l’enrobent dans une communion chorale dont personne n’a su percer le secret depuis. Et cette unique transition mineur vers majeur sur le refrain est magique. Tout ça nous donne cet hymne évident au bonheur, à la joie de vivre, à la camaraderie, illustré comme il se doit par toutes les vidéos existantes sur le net mettant en scène nos tortues la jouant. Elle demeure toujours aussi charmante 54 ans plus tard.

N’importe quel album est béni d’une telle présence, mais comme les TURTLES ont du nez, ils disposent d’autres titres sur cette galette. "She’s Better Be With Me" des mêmes compositeurs déploie une mélodie plus rock mais avec le même sens des arrangements complexes, un chant à nouveau très qualitatif d’Howie Kaylan. Le groupe y apparaît toujours aussi soudé. La chanson parvient à la 3ème place du billboard et dépasse même sa grande sœur à l’International. Essayez plutôt, vous allez la reconnaître. On continue avec deux top 15 : "You Know What I Mean" où Howie chante en quasi falsetto, tout ceci dans une ambiance super pop et une video tournée sur la plage qui ne reste pas dans les annales. L’ambiance à la "Fever" de "She’s My Girl" lui donne en revanche une toute autre identité, d’une modernité à toute épreuve, avec à nouveau un refrain énorme. J’en suis particulièrement fan, on est dans le psychédélisme le plus total, signe que nos tortues savaient apprécier certaines effluves psychotropiques.

Sorti des singles, il y a du rock avec l’expérimentale B.O "Guide For The Married Man", avec ses papapa dans tous les sens. On reste dans le haut du panier, même si la postérité va aussi rester de marbre. La batteur Barbatta tient la rampe sur la rythmée "Me About You" avec un chant magnifique de Howie et des arrangements somptueux. Tu m’étonnes que les MONKEES aient fait du dumping sur le bassiste arrangeur ! L’ambiance et la guitare de "So Goes Love" nous plongent plusieurs années en avant, expérimentation psychédéliques à tout va, très chouette, très rock. Mais qui dit sixties dit slows : "Too Young To Be One" ressemble à s’y méprendre à l’une des bluettes de Paul McCARTNEY. Petite ballade atmosphérique, "Think I’ll Run Away" est un vrai petit crépuscule avec son rythme laidback, orchestre et cythare au programme. Enfin, une nouvelle reprise de Warren ZEVON est présente, cette fois, c’est le joli slow "Like The Seasons".

Le discret guitariste Al Nichol amène la charmante "Person Without A Care" puis collabore avec son chanteur sur l’étrange "Rugs Of Woods And Flowers" où les deux jeunes hommes n’ont visiblement pas siroté que de la glace. Faites l’essai et marrez-vous sur les essais 'classique' du chanteur. Ils ont aussi pondu la psychiatrique "The Walking Song" dont la mélodie se tient fort bien. Enfin, "Making My Mind" est un bel essai de pop galopante à la BEATLES avec cuivres rebondis et "Is It Any Wonder" pioche dans le même moule.

Il faut souligner l’immense performance du nouveau batteur John Barbata tout du long alors qu’il arrive juste, notamment sur les singles qu’il enrichit de son impressionnante technique percussive. Il s’agit bien sûr de l’album classique des TURTLES qui s’impose en cette année 67 comme l’un des groupes majeurs de la pop music. Leur maison d’édition White Whale ne s’y trompe pas et balance plusieurs best of dans les bacs durant le reste de l’année. Le guitariste rythmique Jim Tucker lâche hélas l’affaire pendant les tournées éreintantes qui suivent la sortie de l’opus et le groupe devient un quintette. A part ça, n’oubliez jamais d’être "So Happy Together" avec la bande originale qui va bien !