La recherche de la simplicité n’est pas de la paresse. Au contraire, c’est une quête vers l’essentiel, vers le cœur de sa personnalité. Cette recherche peut être matérielle, spirituelle, ou encore artistique. Et c’est bien dans cette démarche que semble engagé MISTER MAT, qui un an à peine après un premier et remarquable album solo, revient en 2021 avec une réalisation que l’on ne pourrait pas vraiment qualifier de dépouillée, mais qui semble tendre vers un retour aux fondamentaux, aux sonorités auxquelles l’artiste semble viscéralement attaché. Ce faisant, l’ex-membre des MOUNTAIN MEN accouche d’un chef-d’œuvre.

MISTER MAT a légèrement changé la position des curseurs. Là où sa première réalisation était profondément blues et folk, le blues ici moins prégnant laisse la place à quelques influences issues de la chanson française séculaire, se situant quelque part dans un triangle d’or borné par Francis CABREL, Maxime LE FORESTIER ou encore Graeme ALLWRIGHT. La voix profonde, à la fois chaude et rugueuse de l’ancien rugbyman se fait néanmoins porteuse d’une identité propre, unique en France, témoignage d’une beauté brute qui transcende les styles et les modèles.

Après le coup de cœur et la rencontre avec Gaëtan Roussel, dont plusieurs ritournelles se retrouvent sur Désespérément Optimiste, MISTER MAT a cette fois-ci changé d’horizons. L’artiste écrit et compose seul une bonne partie de ce nouvel album (et notamment certains de ses meilleurs morceaux), mais fait également appel à des collaborateurs de qualité. Nous retrouvons ainsi Mickaël Furnon (MICKEY 3D) qui lui offre avec "Au Western History" une chanson folk-rock à la fois entraînante et délicate, toutes guitares dehors, un titre à la fois mélancolique et empreint d’une joyeuse tristesse, dont le clip met en avant le beau massif de la Chartreuse d’où est originaire MISTER MAT. Autre résultat d’un travail commun avec le sieur Furnon, "Du Bonheur en Retard" qui donne son nom à l’album est un titre empreint de blues, de folk et de country, sautillant et résolument optimiste, qui met en œuvre guitares, banjo et piano, dans une ambiance de saloon jouissive. Une splendeur.

Un autre nom va faire frissonner de plaisir les amateurs de folk francophone et contemporain : Alexandre POULIN, avec qui MISTER MAT réalise trois titres particulièrement convaincants. "Les jours de grands espaces", dans toute sa modestie, est comme son titre l’indique un morceau taillé pour l’extérieur, pour les escapades en pleine nature, le genre d’aventure qui vous met face aux éléments tout autant que face à vous-même. "Ma Place" se fait plus moderne dans sa construction, mais aussi plus imposant et porteur de solennité, la prédominance des chœurs et des arrangements (claps de mains frappant le rythme) en faisant un morceau de choix, taillé pour le live. Enfin, la ballade acoustique "Des Villes et des Visages", portée par une splendide mélodie à la guitare, permet de mettre en exergue l’interprétation et la voix chaude de MISTER MAT, qui chante sa 'vie gitane' et les coups encaissés sur son dos de cuir. Chef-d’œuvre.

Cherchons plus loin. Grattons, creusons, savourons. L’artiste semble ici incapable du faux pas, et tout ce qu’il propose est de l’or. "Kif Kif Pareil" est d’une tendresse infinie, témoignage d’amour pour son sang, pour son prochain, pour l’humanité tout entière. "L’Ecorce", réflexion blues au piano intense, offre une dimension supplémentaire au talent du bonhomme. Tout comme cette pépite folk qu’est « Oh garde moi », dont la richesse mélodique et l’intensité n’ont d’égale que la retenue dans les arrangements et l’interprétation. MISTER MAT prouve qu’une guitare acoustique seule suffit à habiller son timbre splendide et varié. Autres compositions signées de la main de l’artiste, « Tu parles d’une éternité » œuvre dans une veine similaire, tandis que "Le silence est d’or", bien que d’une durée courte, se fait un titre folk rock électro-acoustique doté d’une montée en intensité bluffante. Ode à ceux qui préfèrent ne s’exprimer que s’ils ont quelque chose d’intéressant à dire, ce titre est une conclusion parfaite, dont le texte s’applique parfaitement à cet album qui voit MISTER MAT viser autant le ciel que l’essentiel.

Deux reprises figurent au menu de cet album : "Je m’envolerai", interprété maintes fois notamment par Daniel LAVOIE, Fred PELLERIN ou encore Graeme ALLWRIGHT, voit MISTER MAT prendre son temps, proposant un arrangement folk minimaliste qui décuple finalement le sens des paroles. L’interprétation, mêlant puissance et retenue, est d’une splendeur remarquable. La reprise de "Salut les Amoureux", originellement "City of New Orleans" de Steve Goodman (adapté en français pour Joe DASSIN), se voit ici dépouillée de ses intonations country pour devenir une ballade folk belle dans son humilité.

C’est par sa simplicité que Du Bonheur en Retard s’impose comme un album paradoxalement empreint d’une richesse insondable. Sa profondeur se découvre à la lueur d’un souffle ou d’un soupir, d’une note de guitare ou d’une exclamation, d’un arpège placé ici où là. MISTER MAT le sait, sa voix très charismatique et imposante doit se voir compensée par des arrangements mesurés, parfois presque timides, qui se mettent au service d’une interprétation d’une beauté intrépide et irrésistible. En résulte un deuxième album dont les 39 minutes se font synonyme d’un intense bonheur. Alors que MISTER MAT semble avoir son chapeau vissé sur la tête, nous lui tirons bien volontiers le nôtre.