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The SWEET INSPIRATIONS - Sweets For My Sweet (1969)
Par LE KINGBEE le 24 Février 2022          Consultée 565 fois

La firme Atlantic nous prendrait-elle pour de vulgaires faisans ? Quand on décortique le texte de la pochette dorsale nous informant tout le bien que pense le label des SWEET INSPIRATIONS, claironnant tout de go que les filles sont prêtes (The girls are ready) on croit presque rêver. En fait, cela fait un sacré bout de temps que la troupe est fin prête et que Jerry Wexler, quoi qu’il en dise, tente stratégiquement de les cantonner dans un rôle de choristes de luxe. Hors de question qu’elles fassent de l’ombre aux vedettes de la firme. On ne mélange pas les serviettes et les torchons. Il n’y a qu’à voir cette pochette plutôt tartignole ne mettant guère le groupe en valeur pour se rendre compte qu’Atlantic a bridé intentionnellement les SWEET INSPIRATIONS.

Elles ne chôment pourtant pas, les choristes maison épaulant toujours Aretha FRANKLIN en studio et également sur scène ; elles ont été invitées à chanter sur un titre de Electric Ladyland, 3ème et dernier opus de Jimi HENDRIX EXPERIENCE. Les quatre choristes sont au four et au moulin, on les entend en studio et en concert derrière ELVIS, Dusty SPRINGFIELD, Wilson PICKETT ou le jazzman Yusef Lateef. Pour Atlantic c’est du pain béni, de l’or en barre !

Cette fois-ci, Atlantic envoie Cissy Houston et ses copines en Alabama dans les studios de FAME Records. Les Shoals ont le vent en poupe. Depuis l’assassinat de Martin Luther King à Memphis en avril 68, la région de Muscle Shoals, plus ou moins épargnée par la ségrégation, profite de son isolement géographique, se retrouvant indirectement protégée des enjeux communautaires. Jerry Wexler, grand manitou de la firme Atlantic, continue d’envoyer certaines de ses vedettes chez FAME, mais le bonhomme prend soin de rester à New York afin d’éviter tout clash avec Rick Hall. Outre Aretha FRANKLIN, le saxophoniste King Curtis, Lou Johnson et Wilson PICKETT sont devenus des habitués des lieux. PICKETT, pourtant réputé peu accommodant, s’est même entendu comme cochon avec Rick Hall.

Dans la réalité des faits, Rick Hall connaît de gros pépins : après avoir perdu Duane ALLMAN, guitariste qui ayant laissé sa signature sur de nombreux succès pour Atlantic, Tommy Cogbill, Spooner Oldham et Dan Penn sont partis tenter leur chance à Memphis, rejoignant Chips Moman en passe de révolutionner la Pop américaine. Le pire est à venir avec les futurs départs de Jimmy Johnson, Roger Hawkins, David Hood et Barry Beckett, soit la seconde ossature de FAME Records. La déception est d'autant plus grande que le patron de FAME a connu tous ces musiciens alors qu’ils étaient encore ados. Mais Rick Hall est un producteur ayant de la ressource : il finira par retomber sur ses pieds en recrutant une nouvelle équipe de choc. Mais c’est là une autre histoire, comme le disait Claude Piéplu dans la série Les Shadoks.

Les SWEET INSPIRATIONS sont donc envoyées en Alabama pour quatre sessions, entre le 24 et 28 février 1969. Gros changement pour les quatre amies puisqu’elles sont épaulées par l’orchestre de FAME. Si Tom Dowd s’attache de loin à la production et si Jerry Wexler a très certainement concocté une liste de chansons, c’est bien Rick Hall qui se tient derrière les consoles.
Dès le premier titre, on se croirait dans une des paroisses poussiéreuses du Sud. L’orgue, la voix de tête et les chœurs, dans le jeu des questions/réponses comme dans certains prêches, instaurent un climat crépusculaire avec "But You Know I Love You", une mièvrerie Pop Folk de Mike Settle, compère de Kenny Rogers au sein de The First Edition. La chanson sera reprise par toute une pléiade de countrymen et countrywomen (Dolly PARTON, Skeeter Davis, Buck Owens, Bill Anderson), des versions toutes plus ou moins déplorables complètement transformées par les SWEET INSPIRATIONS qui paraissent pour le coup avoir été bien inspirées en reprenant une telle purge.
Le prolifique tandem Cynthia Weil/Barry Mann leur apporte sur un plateau une bonne daube avec "It’s Not Easy", composée pour les RIGHTEOUS BROTHERS si le duo ne s’était pas séparé. Malgré toute sa bonne volonté, la formation ne parvient pas à transformer cette bouse en pépite. Cissy Houston reprendra la chanson deux ans plus tard pour le label Janus. Création du saxophoniste Wayne Jackson, "It’s Worth It All" avait préalablement été enregistré sans succès par Merrilee Rush, chanteuse reconvertie dans l’élevage de bobtails. Là encore, les filles ne parviennent pas à tirer la chanson vers le haut. Il faut dire que la barrière semblait trop haute. Carole KING, auteure souvent inspirée, avait composé au tout début des sixties "Crying In The Rain" pour les EVERLY BROTHERS, une balade qui fait aujourd’hui un peu potage. L’ensemble parvient à s’élever vers des sommets quasi célestes, imprimant au morceau une pigmentation religieuse. Une version qui relègue à des années-lumière l’adaptation "J’irai pleurer sous la pluie" du brave Richard Anthony. A noter que si le morceau sera repris par une pléiade de péquenots, le groupe A-Ha en offrira une habile et rafraichissante relecture.

Le registre Soul n’est pas occulté pour autant, les reprises entre obscurités et hits mineurs se succèdent avec en premier lieu "Chained", titre Motown chanté par l’ancien gamin-acteur Paul Petersen. La chanson fera l’objet de plusieurs essais rarement transformés (Marvin GAYE, The JACKSON 5, Rare Earth). Les SWEET INSPIRATIONS s’en tirent ici à bon compte, délivrant au passage la meilleure reprise du morceau avec celle de Mavis STAPLE. A l’écoute de "Don’t Go", on s’étonne que cette chanson du trident Ashford/Simpson/ Armstead n’ait pas été reprise par d’autres. Si l’orchestration nous paraît par moment trop clinquante, les chœurs distillent un honnête titre de Deep Soul. Si "Every Day Will Be Like A Holiday" se range sur l’étagère dédiée aux cadeaux de Noël, les SWEET INSPIRATIONS nous en délivrent une version proche du sommet, reprenant le concept de l’original de William Bell et rejoignant par la même occasion d’autres excellentes reprises (Toni Lynn WASHINGTON, Carole KING, Tracy NELSON ou Leon Haywood).
Les quatre chanteuses reprennent "Let Me Be Lonely", une balade Soul guère captivante chantée antérieurement par Dionne WARWICK. Faut-il y voir un clin d’œil à leur amie, ancien membre des Drinkard Singers avec Cissy Houston ? N’oublions pas "Get A Little Order", unique compo de Cissy Houston et Sylvia Shemwell, un titre qui monte en gamme avec un chant vindicatif et une rythmique plus agressive. Le disque s’achève sur "Always David", une balade Soul pleine de douceur co-écrite par Eddie Hinton, Dan Penn et Wayne Jackson spécialement pour l’album.

Une fois n’est pas coutume, terminons par le titre qui donne son nom à l’album. Tout le monde connaît "Sweets For My Sweet", célèbre compo de la paire Mort Shuman/Doc Pomus popularisé au début des années soixante par les DRIFTERS. Le titre sera repris par une floppée de groupes britanniques dans des registres souvent cucul la praline. Chez nous, Vline Buggy adapta la chanson sous l’intitulé "Ma Biche", gros carton de Frank Alamo, ancien soliste des Petits Chanteurs A La Croix de Bois et héritier des téléviseurs Grandin. Le groupe se démarque par la qualité des harmonies vocales, le chorus évoquant certains psaumes avec des relances qui n’ont pour but que de mettre la voix de tête sur orbite. A signaler sur les fines touches de guitare de Jimmy Johnson.

En dehors d’une pochette qui n’attire pas vraiment l’œil, les SWEET INSPIRATIONS nous délivrent un bon disque de Soul fin sixties avec de nombreuses incursions dans les racines Gospel. On regrette simplement le choix artistique d’un quart des titres, une option de Jerry Wexler, ceux-ci manquant cruellement de groove et les arrangements parfois trop pompeux d’Arif Mardin, sa triste marque de fabrique.

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   LE KINGBEE

 
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- Cissy Houston (chant)
- Myrna Smith (chant)
- Sylvia Guions-shemwell (chant)
- Estelle Brown (chant)
- Jimmy Johnson (guitare)
- Eddie Hinton (guitare)
- Junior Lowe (guitare)
- David Hood (basse)
- Roger Hawkins (batterie)
- Barry Beckett (claviers)
- Harrison Calloway (trompette)
- Charles Rose (trombone)
- Wayne Jackson (saxophone)
- Ronnie Eades (saxophone)
- Harvey Thompson (saxophone, flûte)


1. But You Know I Love You
2. Chained
3. It's Not Easy
4. Get A Little Order
5. Don't Go
6. It's Worth It All
7. Sweets For My Sweet
8. Every Day Will Be Like A Holiday
9. Let Me Be Lonely
10. Crying In The Rain
11. Always David



             



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