Après le glorieux épisode du sénat, Dee Snider et ses sbires doivent relancer la machine, il convient de rester au top, ce malgré les ventes quelque peu décevantes du pourtant très bon Come Out And Play. Les sœurs restent un groupe phare du hard rock en cette année 85 et une bonne partie des graisseux attend avec impatience la sortie de ce nouvel opus. Tout n’est pas simple, Dee tente de lancer un projet solo et le batteur historique AJ Pero n’est plus de la partie, remplacé par le batteur des GOOD RATS Joey Franco. Dee tache tout de même de faire son disque mais se heurte à la maison de disque qui refuse de lui laisser sortir un album sous son nom avec l’aide de quelques mercenaires, et c’est ainsi que le groupe se retrouve convoqué pour ce qui sera son cinquième opus.

On reste très Heavy Metal sur le titre d’ouverture "Wake Up", qui annonce clairement les ambitions du groupe : rester au firmament et jouer une musique entre JUDAS PRIEST et MOTLEY CRUE, un mélange sympa qui racole large. La superbe rythmique sonne bien moderne pour l’époque et les gimmicks s’enchaînent avec talent, TWISTED SISTER est de retour, ça va être la fête ! D’ailleurs, l’éponyme "Love Is For Suckers" maintient la tradition des titres speeds sous amphétamines à la PRIEST. Dee n’est certes pas Rob HALFORD et le groupe trimballe toujours son style très reconnaissable en bandoulière. On a envie de chanter le refrain avec Dee, preuve de son efficacité et les rythmiques sont forts proches de celles de KK Downing et Glen TIPTON, super chouette !

On continue avec le single "Hot Love", qui se situe dans une droite lignée big rock/Hard FM, nous sommes proches des thèmes chers à BON JOVI et tout ceci sonne vraiment très américain. C’est efficace, sans toutefois atteindre au sublime des grands hits des sœurs tordues. On note les progrès flagrants d’Eddie Ojeda en termes de solo, alors que JJ French se concentre désormais sur les portions rythmiques. Dee assure comme à l’accoutumée sur une production plus dense qu’auparavant. Quand à la vidéo, énorme point fort du groupe par le passé, il s’agit d’un pivot essentiel du groupe, on y voit nanas et bagnoles, Dee qui fait le joli coeur et cherche sa belle, mais rien sur la rébellion ados parents chère au groupe, et le groupe privilégie le look hardos patche jean aux maquillages outrageux de la belle époque. On doit donc se contenter de quelques poses suggestives de la blondinette.

On revient vers le hard glam avec "I’m So Hot For You", le son est plus lourd décidément, mais la composition ne tranche pas par son originalité même si elle ne démérite pas. « Tonight » est dans cette même mouvance, et malgré sa trépidance ne parvient pas à faire briller Dee, élément clé du succès de TWISTED. "One Bad Habit" est pas mal troussée, du glam’n’roll qui affirme haut et fort la filiation avec SLADE et SWEET. On n’y révolutionne rien, bien entendu ! Un mid slow est de la partie, "You Are All That I Need" propose une mélodie intéressante et une ambiance bien cartoonesque, avec Dee qui en fait des tonnes, un des bons instants de ce disque.

Il me semble que le groupe baisse ensuite quelque peu de niveau avec les dernières compos : le combat continue pourtant sur "I Want This Night", au rythme lent et proche des anciens succès du groupe, mais la formule magique, sans être hors de portée, paraît lointaine, et le plaisir n’est pas aussi intense qu’attendu par les masses de fan. Plus bubblegum, "Me And The Boys" est la revendication du groupe de ne jamais trahir ses fans. Hélas le refrain n’emporte pas mon adhésion, il est maladroit et mal amené malgré de belles rythmique de JJ et Eddie. Enfin, "Yeah Right" n’a rien à voir avec la ritournelle chantée par les anglaises de GIRLSCHOOL, un hard speedé tranchant avec des "nanana" qui le poppisent un peu.

Le groupe a jugé bon de nous fourguer quelques bonus pour nous donner de la joie ! Alors "I Will Win" est un hard classique sans fioritures, au refrain quasi AOR, puis on appréciera le riff bien tendu de "Statutory Date". Sinon, la rythmique rock’n’roll de "Feel Appeal" nous plonge dans un bain que n’auraient pas renié les grands du glam genre MOTLEY CRUE ou même POISON et "If That’s What You Want" sort de la même petite forge. Rien de bien mémorable dans ces petits plus, et ces titres n’attireront l’attention que des fans die hard… S’il y en a encore !

Nous allons retenir les trois premiers morceaux du disque, tous de belle qualité et dignes de figurer sur un best of des TWISTED SISTER. Le reste me paraît beaucoup plus dispensable, et même le charisme du légendaire frontman qu’est Dee Snider ne change pas grand-chose à l’affaire. Au final, un album de facture sympa qui s’écoute de bout en bout sans déplaisir mais qui ne peut s’aligner sur les deux précédents opus du groupe. Les politiciens ont-ils joué un rôle dans la débâcle commerciale que fût cet album ? On ne le sait pas encore, mais cela n’aurait rien d’étonnant. Toujours est-il que le groupe, miné de toutes parts par les conflits d’ego résultant des pauvres résultats se sépare quelques mois après la sortie du skeud. Une existence très brève mais bien glorieuse, à l’instar d’un héros historique, ce que symbolise à merveille TWISTED SISTER et son leader Dee Snider pour le hard rock des eighties.