C’est l’histoire d’un mec… pas comme les autres. Je ne dis même pas d’un groupe, vous aurez remarqué ! Natif de l’Ohio, d’une famille aisée et 'créative', Tom Scholz est un petit génie. Il aime construire, souder, fabriquer toutes sortes de choses et est plus qu’à son aise dans le monde de l’électronique. Tout ceci le mène, entre maquettes et basketball – notre homme fait 1m96 – au prestigieux MIT de Boston, soit la première grande école scientifique au monde, poursuivre des études d’ingénieur. Passionné de musique depuis sa plus tendre enfance, le discret Tom tient les claviers de plusieurs groupes de la Boston Area, mais surtout construit dans les entrailles de sa cave un studio d’enregistrement, fait de bric et de broc, de récup', mais ses capacités uniques lui guident un cheminement très personnel, il construit ses pédales d’effet, ses propres solutions d’enregistrement.

Tout en travaillant comme ingénieur chez Polaroïd, le voilà qui inonde les maisons d’édition de ses maquettes, dans lesquelles il fait lui-même la quasi totalité des instruments. Epic le signe mais demande un réenregistrement dans des conditions de production classique, à Los Angeles, avec un producteur de renom. Scholz a l’aplomb de refuser. Le deal se fait de justesse. L’intelligent producteur John Boylan lui propose un remixing puis de couper la poire en deux financièrement. Et de fait, l’album est très proche de la démo' de base ! Seul le chanteur Brad Delp et le batteur Jim Masdea – vite remplacé par Sib Hashian - participent vraiment au projet, le reste du groupe, monté de toutes pièces pour répondre aux besoins essentiels de tournée étant créé pour l’occase avec Barry Goudreau à la deuxième guitare et Fran Sheehan à la basse. Le nom du groupe est suggéré par Boylan lui-même.

Tom entend pour la première fois à la radio "More Than A Feeling" alors qu’il travaille encore chez Polaroïd. L’ingénieur patiente jusqu’à ce que le groupe vende plusieurs centaines de milliers d’albums en quelque semaines, mais finit par comprendre que le music bizness l’a rattrapé. Il faut aussi dire que "More Than A Feeling" a tout pour plaire au plus grand nombre : guitare acoustique, puis distorsionnée, mélodie évidente, chant tantôt doux tantôt agressif de Brad, la guitare cosmique de Tom, le riff tout béta, les chœurs superbes sur le refrain classique. Bah voilà comment naît un des plus grands titres de l’histoire, qui aujourd’hui repose à la 212ème place du classement Rolling Stone des plus grandes chansons de tous les temps. Même si vous ne la connaissez pas, pas un seul d’entre vous n'ignore cette mélodie, c’est ça le pouvoir des super classiques, eh oui ! Le son n’a pas vieilli d’un iota, une petite merveille !

"Foreplay/Long Time" prend la suite, avec sa longue intro' d’orgue et sa ligne rapide de riff. Tom maintient qu’il s’agit du premier titre qu’il ait écrit en 69. Nul doute qu’il était bien en avance sur son temps avec des structures pareilles ! Ah ce sublime solo en introduction du chant de Brad ! La recette maintenant connue des foules est appliquée, ce mélange acoustique et riff, ces choeurs toujours bien foutus, ce hammond purpleien et bien sûr la gratte virevoltante cette fois jouée par Barry Goudreau. On continue avec "Peace Of Mind" qui trimballe une petite vibe southern rock, mais les grands trademarks du groupe sont bien présents. L’efficacité est de mise, à noter que le sujet décrit le manque d’ambition de Scholz devant le corporatisme des sociétés, un mec cool quoi. Les trois singles cumulent des places de 5ème, 22ème et 33ème dans le hot 100, et provoquent la passion de millions de fans puisque l’opus éponyme s’écoule d'emblée à plusieurs millions d’exemplaires.

Et le reste de l’album est à l’avenant ! Écoutez donc la facilité mélodique de "Hitch A Ride", son bridge décapant assorti d’un solo d’orgue impressionnant ! Tout le monde aime la dynamique évidente de "Rock and roll Band" où le groupe ne faiblit pas un seul instant, alors que "Something About You" trimballe un je ne sais quoi de QUEENien bien agréable dans ses harmonies. BOSTON prouve que le rock’n’roll n’est pas un vain mot pour eux non plus et aime s’éclater à jouer simple avec "Smokin". Ah tant de belles choses sur un premier album, c’est tellement rare ! On conclut avec la petite balade "Let Me Take You Home Tonight" qui se contente désormais d’appliquer la formule magique trouvée par Tom Scholz.

Ah et puis un petit mot sur la pochette science-fictionnaire imaginée par Tom – ouais il est au four et au moulin le gars -, il s’agit bien de la ville de Boston, enchâssée dans un vaisseau spatial guitarisé en plein essor pour quitter notre pauvre planète moribonde, sans doute une petite critique déguisée de notre jolie société. Bien, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître frappé par le guitariste ingénieur puisque le disque fait partie des rares à s’être écoulé à plus de vingt millions d’exemplaires dans l’histoire de la musique populaire ! Nous sommes sur un 4,5 question notation musicale, il n’y a pas un instant de faiblesse sur cet opus, et j’arrondis allégrement l’ensemble à la note parfaite pour cause d’importance historique. Amplement mérité !