Nous sommes désormais habitués au rythme de sénateur avec lequel Tom Scholz distille les albums du géant de l’AOR, son rejeton BOSTON, déjà onze ans ! On remarque de suite la superbe pochette avec le vaisseau guitare éclairé par une éruption solaire, la classe. Nous sommes en 2013 et Tom a 64 ans, un âge respectable, mais il continue d’innover et de s’amuser dans son studio avec la passion de ses quinze ans. Le chanteur du groupe Brad Delp est décédé en 2007 mais nous allons le retrouver sur plusieurs titres. Je ne vous cache pas que ce nouvel album est un peu fait de bric et de broc, les attentes ne doivent donc pas être trop élevées. Le savoir faire reste inchangé, Tom est aux manettes et s’occupe de tout, dont le chant au beau milieu d’un aréopage invraisemblable de chanteurs.

Le titre d’ouverture "Heaven On Earth", sur un riff bien dantesque, voit le chanteur David Victor – inconnu au bataillon – prendre le micro et sortir une jolie performance digne de Brad, et dans sa droite lignée. Le titre est très réussi, tout y est dans la grande tradition des classiques du groupe. Puis on remarque aisément le son magnifique de la guitare sur l’emphatique "Sail Away", qui sonne presque BO mais laisse une belle impression. Allez savoir pourquoi, ce titre m’évoque l’époque Dune de TOTO. Voila quels sont pour moi les titres de gloire de cet album.

L’actuel chanteur du groupe Tommy De Carlo est au micro sur plusieurs titres, vous allez voir qu’on a presque du mal à distinguer son timbre de voix de celui de Brad : ainsi, l’éponyme "Life Love And Hope" est drivé par une jolie ligne de guitare, de la belle ouvrage avec de superbes choeurs vocaux. L’ambiance slow de "The Way You Look Tonight" lui permet de placer de belles lignes de chant parfaitement dans la tradition du genre. Hélas, "Someday" est sans doute un peu légère et se présente un peu comme un filler... A mon sens. "If You Were In Love" est chantée par Kimberley Dahme, la bassiste du groupe depuis maintenant de longues années, franchement sympa malgré un environnement discret mais toujours AOR.

Tom est seul au chant sur "Love Got Away", ne se ridiculise pas un seul instant même si on sent que la voix est soutenue par des moyens considérables, la composition est cependant secondaire. Il est aussi, comme il se doit, aux manettes sur les deux instrumentaux. "Last Day Of School" s’écoute avec beaucoup de plaisir, Tom y prend pas mal de place comme guitariste et le titre lui laisse le loisir de s’exprimer. Le son évoque, encore une fois, son alter ego anglais Brian MAY. L’hommage au voisin canadien avec la reprise de l’hymne "O Canada" est intéressante, pour un américain, que signifie donc de reprendre ainsi l’hymne du géant voisin ? Au niveau musical une petite curiosité, mais Tom n’en fait pas trop.

A défaut d’apporter grand-chose à l’édifice de l’originale sur Corporate America, au moins "Didn’t Man To Fall In Love" est un hommage à Brad. Quand à "You Gave Up On Love", cette version plus ambient chantée à plusieurs voix est peut-être plus sophistiquée. Et puis comme dit dans la chronique précédente, j’adore "I Really Had A Good Time", certes, certes… mais l’intérêt de nous pondre une nouvelle version en hispanisant le titre me laisse interdit. Bref cela se nomme "Te quiero Mia" et on ne lui veut pas de mal, mais Brad qui chante dans la langue de Cervantes ne me laisse pas convaincu. Et nous revoici avec "Someone" dans les bras… A moins d’être un aficionado du son comme mon estimé confrère Baker, je ne vois guère de différence avec la version originale.

Difficile d’avoir une opinion stable et équilibrée avec cet album, le dernier jusqu’à présent de BOSTON. On ne peux dénier à Tom Scholz un talent certain pour trouver des mélodies agréables et mémorisables, des trucs catchy qui en font des classiques, et on en trouve au moins deux de plus sur ce nouvel opus. Le décès de Brad Delp et ses diverses retombées – procès et mise en responsabilité pour Scholz notamment – sont peut-être un début d’explication sur la présence de cet album, qui n’a jamais vraiment été souhaité par Tom. En tout cas il est là et mérite une oreille attentive, le moment de l’écoute est sympa et ne donne aucunement l’impression de reculer de quarante ans dans le temps. Je reste sur un trois un peu ahuri mais réel.