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John MAYER - Sob Rock (2021)
Par MARCO STIVELL le 7 Août 2022          Consultée 830 fois

Jusque-là, John MAYER avait construit sa carrière par cycles. Période blues-soul d'abord, période americana à la fin des années 2000-début 2010, et ces aspects joignaient leurs forces, allègrement, comme une bonne compilation, sur l'avant-dernier album en date, The Search for Everything en 2017. Lorsque Sob Rock est publié, en 2021, on peut croire à l'ouverture d'un nouveau cycle smooth/soft-rock, toujours très intimement californien bien sûr !

L'ex-amant plus ou moins durable de chanteuses-icônes pop (Vanessa CARLTON, Jessica SIMPSON, Taylor SWIFT, Katy PERRY) est fort décidément, très fort ! Sa carrière a toujours été égale, avec le talent du songwriter doublé du guitariste, dont les disques sonnent souvent comme des collections de chansons réunies sur un ton dominant avec quelques incartades, plutôt que des ensembles. Le revers, c'est qu'aucun album n'était totalement réussi de bout en bout. Le très bon côtoyait le juste bon ou le remplissage sympathique. Et puis arriva Sob Rock...

Aujourd'hui, on peut shazamer à tout va - peut-être est-ce même déjà dépassé -, mais quand on est revenu à l'Âge de Pierre, c'est-à-dire qu'on a attendu que son premier smartphone meure (au bout de neuf ans quand même) pour repasser sur un téléphone mobile à clapet et à touches, juste pour appeler ou écrire des messages sans Internet, bref un téléphone mobile quoi, il reste une option appelée contact humain, version orale. Cela peut aider surtout si on est seul dans un bar avec un verre de Perrier, que soudain résonne une chanson qui nous tient aux tripes du début à la fin, si bien qu'on se lève pour aller demander au tenancier de qui il s'agit, chose devenue très, très rare au regard de la moyenne des tubes actuels. Réponse : « Last Train Home » de John MAYER. Et tant mieux d'avoir demandé car elle n'est plus jamais repassée, du moins pas en ces heures-là !

« Last Train Home », c'est, comment dire ? Une merveille. L'impensable à entendre dans un tel contexte ou de la part d'un artiste californien certes mais habitué à d'autres sons et qui n'en est pas à son galop d'essai, y compris en termes de classe, en effet. L'enfance de l'art, avec une mélodie de folkeux, un ton romantique désabusé, un chanteur doucereux et plaintif, un effet smooth jusque dans les cocottes de guitares, un rythme délicieusement chaloupé, un solo final de haute volée et une envolée vocale magistrale, le tout pourtant basé sur du pur couplet-refrain.

C'est qu'il y a ce son réverbéré (le début avec la batterie seule me fait penser à « Tougher Than the Rest » de Bruce SPRINGSTEEN) et cette nappe de clavier posée comme une crème mais aussi brillante qu'une grande trouée de ciel azur dans une journée grisaillante. Et puisqu'on est dans un esprit revival années 80 général en ce moment, chose que la dernière saison de Stranger Things risque fort de ne point changer à ce qu'il paraît, ici, l'ami John nous prend par la main et nous ramène à l'époque de tubes soft à la pelle du même genre.

Sauf que là, c'est lui. Et c'est beau, terriblement beau. À l'écoute et avant l'achat du CD, j'avais compris qu'il avait dû jouer des synthés lui-même, tant la ligne d'accords, leitmotiv de la chanson, est simple. Gagné, même si MAYER a apparemment Greg Phillinganes (Eric CLAPTON, TOTO avec aussi d'ailleurs Lenny Castro aux percussions) pour l'épauler. Et puis il y a les choeurs superbes de Maren MORRIS, chanteuse country, au moins aussi beaux que ceux de Taylor "Honey" SWIFT sur "Half of My Heart" en 2009. Et dire que ce morceau n'est que le quatrième single de l'album, du fait des avant-coureurs publiés depuis 2018, preuve encore une fois d'un album fait de bric et de broc, de récupération en partie !

Le premier, d'ailleurs, "New Light", est d'une tout autre trempe même si toujours soft et frais, plutôt orienté funk et groove notamment sur le final. Titre ancêtre de tous les autres, premier en 2018, il n'en est pas moins excellent, bien que le plus déchargé en claviers de l'ensemble. Si ces derniers avaient toujours été sous-jacents dans l'oeuvre de John MAYER, ils prennent une place importante sur cet album, quoique rarement autant que sur l'introduction divine. L'homme a beau s'entourer de ses habitués comme le grand maître Pino Palladino à la basse ou bien encore le "requin" Greg Leisz aux steel guitares, il permet à Larry Goldings de faire fleurir le Yamaha DX-7 et ses plus beaux sons, pas toujours comme aux grandes heures passées, en sus des pianos Wurtlizer/Fender Rhodes.

Sob Rock, co-produit avec Don Was, encore un grand, est ainsi empreint d'une certaine magie naïve adolescente en fin d'été (pour un disque paru en juillet), très bleue nuancée comme la pochette parfaite pour le côté nostalgie, très fleur bleue, comme s'il chantonnait assis avec sa guitare face au grand large alors que les filles ne le remarquaient guère et s'amusaient avec d'autres, ou alors que tout le monde s'en va. Triste mais guère plombant, malgré pas mal de textes de regrets, de ruptures, et chaleureux par contre, tout en finesse, en délicatesse, jusque dans le chant.

La ballade léchée "Why You No Love Me", mignonne comme tout, guitare nylon soulignant la mélodie, cohabite avec la plus héroïque et excellente "All I Want is to Be With You". "Till the Right Comes" sonne comme de la pure country-pop californienne, aussi inspirée que "Carry Me Away" cachant bien son jeu avec sa boîte à rythmes et sa basse Pino nébuleuse durant l'intro sombre. Et ce piano caressant, rêveur ! Pour ce qui est de la Stratocaster toujours impériale, on note les élans knopfleriens sur la sucrerie "Wild Blue", ainsi que les hispanoletteries de "I Guess I Just Feel Like", slow langoureux éclatant. Bref, comme attendu, de l'inspiré, du feeling, du précieux.

La ballade folk "Shouldn't Matter But It Does", avec l'un des plus beaux sons de nappes 80's pour l'humecter, pour aider l'auditeur à planer, a elle aussi de quoi remporter les faveurs, même si son refrain la rapproche mélodiquement de "Last Train Home" dont elle fait suite en position. Et comme on en revient toujours à cette dernière, vrai de vrai, il convient de dire qu'une version "ballad" est parue en single, extrêmement réussie à son tour avec un DX7 un peu moins linéaire, plus lente et dans le ton d'un Chris REA, même si ses rivages d'origine à lui sont loin de l'océan Pacifique !

Ne manquent que deux personnes : un autre garçon de la plage, même si pas du même âge (Al Jardine des BEACH BOYS figurait sur l'album précédent avec son fils Matt), et, le temps d'un duo chant-Strat en feu ou crème, Lindsay ELL, ma chouchoute, elle qui s'était amusée à réenregistrer Continuum en 2018, hommage pur à son idole, notre principal intéressé.

Mon album favori de John MAYER, sans temps mort, coloré avec goût.

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   MARCO STIVELL

 
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- John Mayer (chant, guitares, claviers)
- Greg Leisz (steel guitares)
- Sean Hurley, Pino Palladino (basse)
- Aaron Sterling (batterie, percussions)
- Larry Goldings (claviers)
- Greg Phillinganes (claviers)
- Jamie Muhoberac (claviers)
- Lenny Castro (percussions)
- Maren Morris, Cautious Clay (choeurs)


1. Last Train Home
2. Shouldn't Matter But It Does
3. New Light
4. Why You No Love Me
5. Wild Blue
6. Shot In The Dark
7. I Guess I Just Feel Like
8. Till The Right One Comes
9. Carry Me Away
10. All I Want Is To Be With You



             



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