¡¡Que corra la voz!! est le cinquième album de SKA-P. Il s’inscrit dans une tendance très positive pour les espagnols qui rencontrent alors de plus en plus de succès au niveau international. Après quatre très bons premiers album, et notamment l’excellent Planeta Eskoria, parut deux ans plus tôt, le groupe se devait de confirmer son statut de chef de file de la scène Ska contestataire. Et cela est fait de main de
maitre avec ce non moins excellent ¡¡Que corra la voz!! ("Diffusez le message").

Un album qui pioche un peu dans tous les univers développés jusqu’alors par le groupe depuis le début de sa carrière Avec peut-être un accent mis vers une interprétation un peu plus "rentre dedans". Nombreux sont en
effet les morceaux au travers desquels SKA-P bourrine sévèrement, à l’image des énervés "La Estampida", "Intifada" ou "El niño soldado", qui possèdent tous une énergie Punk. Mais, et c’est ce qui contribue en grande partie à la qualité de cet album, d’autres titres sont plus posés (ou, pour le moins, possèdent des parties plus calmes) ce qui permet d’équilibrer le propos du groupe. C’est ainsi le cas de la première partie de "Insensibilidad", ou du plus léger et orienté Ska, "El olvidado". Une coloration Ska que l’on retrouve sur "McDolar", mais qui est loin d’être dominante sur l’album.

Et comme toujours avec SKA-P, il y a plusieurs titres que l’on pourrait qualifier de festifs. Des refrains fatals à l’efficacité éprouvée qui sont taillés pour la scène. C’est ainsi le cas de "Esquirol" et de "Consumo Gusto". Et puis il y a l’imparable "Solamente por pensar", un morceau enlevé, rapide, efficace qui rend hommage à Carlo Giuliani, l’étudiant militant "no-global" tué par la police durant les manifestations anti-G8 de Gênes, l’année précédente. Clairement, nous avons là un des grands classiques de SKA-P.

Au niveau des textes, les espagnols restent fidèles à leurs thèmes de prédilection en portant haut le drapeau de l’anticapitalisme et des luttes contre les inégalités et les injustices. Il n’y a guère que leurs critiques habituelles de la royauté espagnol et des religions qui semblent ici un peu laissé de côté (même si "Casposos", et son texte totalement déjanté, critique les pseudos voyants, les faiseurs de miracles et les sommités religieuses). Les excès de la société de consommation ("Consumo Gusto"), la malbouffe ("McDolar"), la peine de mort (le syncopé "Welcome To Hell"), l’utilisation d’enfants soldats ("El niño soldado"), le conflit Israelo-palestinien ("Intifada"), les maltraitances envers les animaux ("Insensibilitad")… se retrouvent-ils donc au menu de ce ¡¡Que corra la voz!!

Cet album ne se démarque principalement de son prédécesseur que par un style un peu plus incisif. Au-delà de cela, il s’inscrit globalement dans la droite ligne de ses devanciers. En conservant le même niveau de qualité très élevé que le groupe parvient à maintenir depuis son premier album, signant par là même un début de carrière riche et prometteur. Il est a noter que, comme à son habitude, le groupe à soigné le livret qui accompagne son album en y joignant les textes de ses morceaux, ainsi que leur traduction. Avec El Vals Del Obrero (1997) et Game Over (2018), nous tenons probablement là un des albums majeurs du groupe.