Après le succès rencontré par leur deuxième album, le très bon El Vals Del Obrero, SKA P nous revient avec ce Eurosis, un mot valise né de la troncation de 'Euro' et 'Neurosis' (névrose) et qui exprime l’opposition du groupe à l’Euro, sachant que le disque est sorti huit mois avant le passage à l’Euro.
Les madrilènes poursuivent leur petit bout de chemin en pratiquant toujours le Ska très festif, entrainant et militant qui commence à leur apporter une forte renommée internationale.
Enfin, c’est ce que laisse ) penser la première partie de l’album durant laquelle le groupe propose ce Ska qui leur colle si bien à la peau. "Circo Ibérico", "Espana Va Bien" et "Villancico" sont autant d’occasions de diffuser leur vision critique de la société espagnole (pour les deux premiers) et de la religion (pour la dernière). On y retrouve l’utilisation de petit gimmicks/références musicales qui égayent leur propos. Ainsi le plus calme "Espana Va Bien", dont le titre reprend un des slogans de José María Aznar, alors Président du gouvernement espagnol, intègre-t-il des passages évoquant un French cancan endiablé. Par la suite, on retrouve cette recette et le thème de l’inspecteur gadget sert de fil rouge musical à "Simpatico Holgazan", alors que "Paramilitar" intègre certaines parties qui ressemblent furieusement à "Macarena".

Mais, au fil des titres, on sent poindre une légère inflexion vers des sonorités plus variées et des thèmes qui ne se cantonnent pas à la réalité castillane. Ainsi, le quasi instrumental "Poder Pa'l Pueblo", un hommage aux Républicains morts lors de la guerre civile espagnole, débute avec des sonorités qui évoquent la Russie pour adopter ensuite des accents de chant partisan. "Espana Va Bien", en plus de sa partie 'French cancan' comprend également des sonorité Country. Alors que le plus posé, mais excellent, "Seguimos En Pie" lorgne, lui, vers le Rock et le Reggae.
Mais c’est avec "América Latina ¡¡libre!!" que SKAP s’aventure le plus vers d’autres univers musicaux en mélangeant de la Rumba, de la Salsa et d’autres rythmes chaloupés d’Amérique Latine, dans un grand fourre-tout assez jouissif. Une belle réussite qui laisse penser que le groupe pourrait creuser cette voie pour enrichir son style. Et qui fait échos aux thèmes abordés par "Paramilitar" et justement par "América Latina ¡¡libre!!" dans lesquels SKA P calme son soutien aux mouvements révolutionnaires armés d’Amériques du Sud et Latine, et notamment l’EZLN. Il en va de même de "Juan Sin Tierra" qui rend hommage au chanteur chilien Victor Java, décédé lors du coup d’état de Pinochet, artiste ayant déjà bénéficié d’hommages de groupes aussi divers que U2 dans "One Tree Hill" (The Joshua Tree, 1987) ou ZEBDA au travers de leur album Comme un guitariste chilien - Hommage à Victor Jara. Cette coloration exotique se retrouve dans l’intro très typée 'Mariachi' de ce dernier titre.

Eurosis apporte la preuve que loin de s’enfermer dans un style musical qui pourrait commencer à paraître un peu étriqué avec le temps, SKA P parvient à enrichir et diversifier son propos de manière habile. Le tout, en parvenant à évoluer suffisamment doucement pour ne pas décevoir ses fans de la première heure.
Habileté et finesse font de cet album des Espagnols un très bon cru.