Quand les médias nous balancent à tout bout de champs un nombre incalculable de groupes de rap se copiant les uns les autres et ne présentant aucun intérêt réel, certains rares groupes continuent de présenter une musique originale, et méritent le succès qu'ils connaissent, à l'instar de Cypress Hill, ou des Black Eyed Peas justement.

La principale qualité des Black Eyed Peas réside dans la composition. Le chant est l'élément principal, chose assez normale pour du rap, mais il y a un vrai travail au niveau des instruments (qui sont véritablement joués, cela pouvant présenter un bon point pour les allergiques au rap à cause du fait qu'il n'y a pas d'instruments), les morceaux ont donc une réelle structure, on ne se trouve pas avec seulement deux samples répétés indéfiniment avec un texte récité dessus.
On trouve une grande variété dans cet album, aucune chanson ne ressemble à un autre, mais au final, on a toujours la même patte qui fait que l'on reconnaît le groupe. La majorité des compositions sont directement puisées dans les origines du rap, à savoir le funk ou par extension le jazz, comme le montre les cuivres de "Hands Up", la pulsation funk-rock de "Labor Day", ou le très dansant "Let's Get Retarded" l'une des réussites de cet album.
A côté de ça se trouvent des compositions purement hip-hop ("Fly Away", "The Boogie That Be", le tube "Shut Up") où l'alternance entre chant rappé et chant conventionnel marche à merveille, les quatre chanteurs du groupes se montrant aussi à l'aise dans les deux domaines, et où l'instrumentation est toujours efficace et empêche les morceaux d'être répétitifs, problème le plus important du rap.
Quelques divergences stylistiques assez éloignées du rap sont placées ça et là dans l'album et le résultat et assez surprenant tant ces styles sont maîtrisés. Pour exemple à ceci, "Latin Girls" incorpore une guitare hispanique durant la première partie du morceau, qui se transforme ensuite en salsa, ou encore "Anxiety", co-écrit par Papa Roach, où de puissantes guitares font largement penser à du néo metal.
A l'écoute de ces morceaux, on voit l'envie de bien faire, pas de donner l'impression de connaître d'autres horizons musicaux en employant quelques notes qui sont des clichés de ces autres styles, et qui donne un résultat grotesque. Les Black Eyed Peas savent ce qu'ils font, et le montrent.
Seuls deux morceaux sont d'un niveau discutable, et raccourcissent la durée d'écoute de l'album, vu qu'ils sont situés à la fin. "Where Is The Love" co-écrit et co-interprété par Justin Timberlake est fade et sans saveur et sonne trop "facile", comme si elle avait été écrite juste pour plaire à un maximum de gens, au détriment de la recherche. "Third Eye" est plat, mou, totalement dispensable.

Au final, cet album est très réussi, et peut permettre à pas mal de réfractaires de se réconcilier avec le (bon) rap.
A noté la réédition très récente de l'album avec deux titres live, qui montrent que Black Eyed Peas est aussi un bon groupe live, sachant s'adapter à la scène, avec une pêche, une présence, et une interprétation digne d'être signalées.
Le succès rencontré par ce groupe pourrait permettre l'émergence de nouveaux groupes de rap, plus intéressants que ce que l'on a aujourd'hui, et cela n'est pas une mauvaise chose.