Après 20 ans d’existence et 13 albums studio, THE PINEAPPLE THIF est depuis 2016, et l’arrivée du batteur prodige Gavin Harrison (Porcupine Tree, King Crimson…), sur une trajectoire indiscutablement ascendante. Les albums Your Wilderness et Dissolution parus durant cette période sont généralement considérés comme leurs plus réussis, alors que Versions of the truth, sorti en 2020, bien qu’un petit cran en dessous est également de très grande qualité. Il en est de même des trois albums Live parus durant cette période. Give it Back résulte d’une approche toute différente; c’est une compilation d’anciens morceaux parus entre 2001 et 2012, intégralement retravaillés et réenregistrés.

A l’origine du projet, la volonté de Gavin Harrison, confronté à la nécessité d’assimiler le répertoire de son nouveau groupe, d’apporter sa touche à certains morceaux et de se les approprier pleinement. Gavin confie que cette approche est celle que lui a demandé Robert FRIPP, leader de KING CRIMSON, lorsqu’il a commencé à jouer le répertoire du groupe. Bruce Soord, intéressé par la démarche, décide d’apporter de son côté également des modifications et améliorations à ces morceaux, et d’en faire un nouvel album.

"Give it Back" nous propose donc douze titres réinterprétés par le line-up actuel du groupe. Le petit jeu consistant à comparer les anciennes et nouvelles versions étant incontournable, on peut simplement souligner si besoin était l’incroyable classe de Gavin Harrison, grand batteur et virtuose omnistyle (je vous conseille par exemple sa version de "Night in Tunisia" de Dizzie Gillespie sur You Tube). Ceux qui ont eu la chance d’assister à un des concerts de la tournée 2022 de PORCUPINE TREE savent parfaitement de quoi je parle. Mais Gavin est également un excellent compositeur, et sa patte est parfaitement perceptible tout au long de l’album tant il insuffle une nouvelle jeunesse aux titres sélectionnés pour l’occasion.

Le résultat est de grande qualité, tant l’univers tourmenté, complexe et ultra-sensible de Bruce Soord est magnifié par ces nouvelles versions. On retrouve avec grand plaisir ce style à mi-chemin entre le meilleur RADIOHEAD, et les compos plus Metal-prog à la PORCUPINE TREE. Le chant de Bruce vous prend toujours aux tripes, alors que son jeu de guitare varié et inspiré fait mouche à chaque fois tant il est mis au service d’une musique interprétée avec classe par l’ensemble du groupe. Le tout est comme de coutume parfaitement arrangé et produit, chaque détail étant méticuleusement mis en place.

"Give it Back" notamment devient un très grand morceau, avec une intro légèrement indus, avant que de grosse guitares et une énorme batterie viennent donner à l’ensemble une ampleur et une majesté remarquables. J’aime tout particulièrement aussi « 137 » morceau envoutant, un peu électro au début. Bruce se permet quelques vocalises en voix de tête avant que la frappe soyeuse de Gavin vienne apporter son écot de mystère à cette belle pièce intrigante. Grandes réussites également que "Wretched souls" parfait titre d’introduction à l’univers du "voleur d'ananas", "Build a world" avec ses accents orientaux, "Shoot first" au refrain très accrocheur, "Little man" plus lent et émouvant ou la ballade "Start the descent". Attention les autres morceaux, sans entrer dans le détail, sont également très réussis, contribuant à faire le l’album un ensemble extrêmement agréable à écouter, sans temps faible ni remplissage. Allez, je vais vous confier ma seule petite réticence, je trouve que parfois, par exemple sur "Warm seas", la voix de Bruce se rapproche trop de celle de Tom Yorke alors que son univers personnel est largement assez passionnant pour s’éloigner sans risque de celui de son influence majeure.

Nous tenons finalement un excellent album, parfait résumé de la carrière du groupe pour ceux qui ne s’y intéressent que depuis peu, et belle redécouverte pour les autres. Même si Gavin se consacre actuellement à de multiples (et superbes) projets, j’ai hâte de retrouver THE PINEAPPLE THIEF pour de nouvelles aventures qui promettent d’être passionnantes.