Devenu un trio, THE PINAPPLE THIEF se lance en 2016 dans la réalisation de son huitième album. Bien décidés à continuer à aller de l’avant, et sans renier leurs racines progressives, les Anglais vont, sous l’impulsion de leur leader Bruce Soord, faire évoluer leur formule et durcir sensiblement le ton. Attention, nos voleurs d’ananas conservent le son soyeux et la subtilité qui les caractérisent, mais l’arrivée du batteur prodige Gavin Harrison, transfuge (dans un premier temps provisoire) de PORCUPINE TREE et KING CRIMSON, les pousse vers une musique plus directe et parfois réhaussée de montées en température bien pêchues. Cette évolution ne nuit en rien cependant à la richesse des compositions, à l’audace de leurs structures, ni aux surprises qu’elles révèlent : au contraire, le groupe parvient à conserver une séduction pop immédiate, son sens des silences et des atmosphères et sa capacité à transmettre des émotions, grâce notamment à la voix pleine de sensibilité d’un chanteur au faite de son art.
La pochette légèrement rétro nous ouvrant de grands espaces nous prépare bien au contenu classieux qui nous attend ; à noter également la qualité du son et le soin apporté à chaque détail qui rendent l’album totalement addictif.

Au jeu des meilleurs titres de l’opus, on pense immédiatement au prodigieux "No Man’s Land" qui débute par de superbes arpèges finement ciselés à la guitare, avant l’arrivée d’une magnifique mélodie et une montée en puissance parfaitement orchestrée, que magnifie le prodigieux jeu de Gavin Harrison (et quel son de batterie !).
"Tear You Up" qui lui succède est mon second coup de cœur de l’album, cette fois dans un registre plus musclé et drivé par de fortes guitares et une batterie toujours aussi royale. Le groupe se permet même un délire quasi-métal en seconde partie du titre qui fait plus qu’évoquer le groupe de Steven Wilson. Mais des titres comme le superbe "In Exile" aux textures soyeuses et au chant plein d’émotion, "That Share" morceau lent et atmosphérique porté par la voix de Soord, ou encore "Take Your Shot" plus rentre-dedans et bénéficiant d’un joli solo de guitare de Darran Charles (GODSTICKS), sont également de grandes réussites.
Même si la veine générale reste très progressive, le titre "The Final Thing On My Mind" du haut de ses 9’53 en est la plus claire illustration : l’ambiance s’installe avec un petit motif énigmatique de guitare, une belle entrée de la batterie et le chant qui continue à faire mouche, le tout au service d’une inexorable montée en puissance. En seconde partie, le titre se déploie vers un bel interlude introspectif, une reprise lumineuse drivée par la guitare acoustique et une fin marquée par un gros solo de guitare.
Sur "Fend For Yourself", un invité de marque apporte sa patte en la personne de John Helliwell (oui, celui de SUPERTRAMP) qui se fend d’une belle intervention à la clarinette dans une ambiance gentiment jazzy.
"Where We Stood" enfin clôt l’album sur une note apaisée et atmosphérique.

Your Wilderness est, vous l’avez compris, une très belle réussite des britanniques qui ont su conserver leurs atouts et en développer de nouveaux pour gagner encore en potentiel de séduction. Ce mariage presque parfait de l'émotion, de l'attractivité pop, de la richesse progressive et de l'impact rock conduit à ce que beaucoup (dont votre serviteur) considèrent comme la meilleure période du groupe.
Cet album, et son successeur, sont également de parfaites portes d’entrée dans l’univers d’un combo pétri de classe, qui ne vous laissera pas indifférent. Pour saluer ce disque de référence, mon 4,5 se transforme finalement en 5.