En 2004, lorsque sort Absente Terebenthine, MORTHEM VLADE ART est dorénavant devenue une référence discrètement solide des musiques sombres. Nous ne le savions pas encore, mais il fallait pleinement en profiter car ce fantastique duo allait faire un break de... quatorze ans. Deux septennats d'un silence angoissant que l'on pouvait même craindre définitif à son début. Par son désir assumé de recherche de renouvellement constant, par son intégrité artistique sans faille, ce projet a toujours su rendre ses travaux excitants et l'auditeur, pour peu qu'il ne soit pas du genre frileux ou ronronnant, a rarement été déçu.

Ce cinquième album d'Emmanuell D. et Gregg Anthe fait suite à l'excellent Photography In Things (2003) que je considère toujours à ce jour comme leur meilleur opus. Autant dire que la tâche est ardue mais je crois bien que ceci n'est pas vraiment un problème pour nos tourtereaux gothiques. Le changement, c'est pour maintenant, et ils le désirent assurément ! Absente Terebenthine avec le recul apparaît bien comme une forme de synthèse personnelle plutôt réussie des univers chéris par le groupe depuis ses débuts au mi-temps des années 90 lorsque les mondes noirs, quasiment ringards, avaient le moral dans les chaussettes.

Il ne faut pas dès lors s'étonner si subtiles textures new-wave, industrielles ou électroniques se complètent ou se répondent tout au long des douze titres. Comme souvent avec MORTHEM VLADE ART, cette heure musicale est riche en émotions. Ce qui est vraiment ici plutôt surprenant pour le coutumier du projet, c'est de se retrouver nez à nez en présence de morceaux somme toute accessibles. Les évidents "Far Away From Me" et "E-Clipse" le soulignent opportunément. La rythmique entraînante, soutenue par des guitares légères (superbement CURE sur "Far Away") ou par une électronique savamment travaillée, ne peut nous laisser indifférents. Si certaines sonorités nous semblent naturellement familières, le duo ne les dépose pas pour autant avec des pincettes dans un bocal de formol. La simple basse qui claque sur "Paranoïa" le rappelle ainsi judicieusement.

A cette capacité d'évocation qui n'est en rien diminuée par la froideur supposée des machines, s'ajoute la voix de Gregg Anthe qui, si proche de celle de BOWIE, émeut toujours un peu plus. A l'image de l'éponyme réussi ou de l'electro-lancinant "Zone", elle enveloppe avec une agréable douceur l'auditeur. MORTHEM VLADE ART, et c'est pour ceci qu'on les aime tant, ne compile pas de façon stérile ses amours. Il y a toujours la conviction, le petit supplément d'âme qui font forcément la différence. Lorsque le duo lorgne des contrées moins évidentes, il réussit là encore à être globalement pertinent. Il passe allégrement d'une electro tournoyante ("Getting Around Realism") à une pièce soyeuse aux contours industriels ("Flow"). "Mannn" est un petit bijou ambient qui clôt parfaitement Absente Terebenthine. Le voyage intérieur se termine et l'esprit un temps en suspend redescend progressivement.

Vous avez sans doute compris que MORTHEM VLADE ART ne me laisse pas vraiment indifférent. Absente Terebenthine près de vingt ans après sa sortie demeure un album varié et intéressant où le duo a su trouver un équilibre musical entre autoroute balisée et chemin beaucoup moins rectiligne.