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2004 Straight From The Soul

Irma THOMAS - Wish Someone Would Care (1964)
Par LE KINGBEE le 4 Mars 2023          Consultée 946 fois

Le pressage original de cette galette s’est récemment négocié à 300 €, une belle somme d’autant plus que ce disque a été réédité à six reprises. Oldays Records, profitant des lois japonaises en vigueur sur les droits d’auteurs remontant au demi-siècle, en a même profité pour publier une version CD en 2015. Lors d’une convention du disque en Hollande, un collectionneur anglais avait racheté le pressage nippon de 1979 édité par United Artists pour la modique somme de 450 €. Comme l’annonce l’adage, « Quand on aime on ne compte pas ! ».

On ne reviendra pas sur le parcours d’Irma THOMAS (voire la chronique de la compilation Straight From The Soul), disons juste que l’enfance de la chanteuse pourrait aisément concurrencer celle de Cosette, la petite servante du sympathique couple Thénardier imaginée par Victor Hugo.
Repérée par Tommy Ridgley qui l’invite à monter sur la scène du Pimlico Club, taverne où elle officie comme serveuse, Irma enchaine chez Joe Ruffino, propriétaire des labels Ric et Ron Records enregistrant une poignée de singles. Le décès de Ruffino en 1962 met fin à l’aventure. A l’instigation d’Allen Toussaint Irma va rebondir chez Minit, autre petit label local pour lequel elle met en boite six singles entre 1961 et 1963. Le label de Joe Banashak tombe alors dans l’escarcelle d’Imperial une compagnie californienne dirigée par Lew Chudd, un producteur avisé sur le point de vendre sa compagnie à Liberty.
Imperial décide de faire venir Irma Thomas sur ses terres pour enregistrer un premier 45 tours avec "Wish Someone Would Care" couplé à "Break-A-Way". Contre toute attente, le single s’installe dans le Top 20 dès le printemps. Au tout début de l’été, elle récidive avec "Anyone Who Knows What Love Is (Will Understand)", couplé à "Time Is On Side". Cette fois ci, c’est la face B qui décroche le pompon et qui vaudra aux Stones de connaitre leur premier succès en terre américaine. Attisé par une telle réussite, Imperial décide qu’il est grand temps pour la chanteuse d’enregistrer un premier disque. C’est bien connu, en musique il faut battre le fer tant qu’il est chaud.

Confiée à HB Barnum, un ancien enfant acteur devenu chanteur au sein des Dootones et des Robins et arrangeur de talent, Irma Thomas va enregistrer l’un des meilleurs albums de Soul de la première moitié des sixties, conjuguant à merveille le New Orleans Sound à celui de la Soul de la West Coast.

D’entrée on est frappé par la mélodie et les paroles de "Wish Someone Would Care", la première des deux compositions de la louisianaise. Ballade dévastatrice relatant sa souffrance sentimentale mais aussi ses déboires professionnels et familiaux, la chanson surprend encore aujourd’hui par sa sincérité non feinte, évitant tout pathos. Si Etta JAMES et la chanteuse tex-mex Gizzelle en délivreront d’excellentes covers, on n'y retrouve pas tout à fait l’intensité impulsée par la nouvelle-orléanaise. Chose rare, le hollandais Clarence Milton Bekker reprendra le titre à son compte dans une version honnête, ce qui constitue la seule reprise mâle de la chanson. Seconde compo avec "Straight From The Heart" *, une autre douceur évoquant pudiquement le chagrin lié à une rupture. Un titre qui pourrait s’insérer dans le répertoire de Barbara LYNN et qui aurait pu atteindre les charts avec les effets d’une petite promo. HB Barnum lui concocte de son côté "Another Woman’s Man" ** une excellente ballade Deep Soul avec un fond d’orgue contrastant avec la guitare et le tambourin.

Les reprises et les inusités proposent une trame de choix principalement orientée sur le registre de la ballade Soul. La douceur de sa voix et une orchestration qu’on croirait sortie tout droit des studios de Cosimo Matassa permettent de remettre au gout du jour "Without Love (There Is Nothing)", une guimauve de Danny Small enregistrée par Clyde McPhatter. Si le titre a été repris par une foule de crooners en goguette (Little RICHARD, Ray CHARLES, ELVIS, Tom JONES), Irma Thomas relègue à des années lumières ces différentes versions. Chez nous, si Gloria Lasso et Tino Rossi chantèrent "Bon Voyage", une adaptation à l’orchestration archaïque, Alice Donna en donnera plus tard une version acceptable.

Le ton se durcit légèrement par l’entremise d’une guitare plus bluesy sur "Please Send Me Someone To Love", une vieille soupe de Percy MAYFIELD remontant au tout début des fifties. Encore une fois on a l’impression que la chanteuse déroule son texte avec un naturel désarmant, comme si tout coulait de source. Si SADE pour la bande son du film « Philadelphia » et BB KING en duo avec Mike Hucknall ont relancer le morceau, la présente version reste ce qui se fait de mieux avec celles de Thornetta Davis et Garnet MIMMS. "Sufferin’ With The Blues", compo de Lloyd Pemberton chantée par Little Willie John dans une veine R&B fifties, se trouve transformée en un Slow Blues de premier choix. Autre piste piochée dans le R&B fifties avec "I Need You So", œuvre du pianiste Ivory Joe Hunter. Là encore c’est une histoire d’amour compliquée à laquelle nous convie la chanteuse. Une version selon nous bien plus palpitante que l’interprétation geignarde du King PRESLEY.
Si les ballades sentimentales demeurent les plus grosses composantes, certaines font preuve de plus de fantaisie à l’image de "While The City Sleeps", une offrande de Randy NEWMAN et encore une histoire d’adultère compliqué. "I’ve Been There", selon nous le maillon faible, reprend le concept des chansons dédiées aux Girls Group et plus généralement de la Motown. Preuve du talent de la chanteuse, "Time Is On My Side", au départ une compo instrumentale de Norman Meade (alias Jerry Ragovoy) a été enregistré juste après que le parolier Jimmy Norman ait griffonné les paroles dix minutes avant le passage en studio. Le titre traversera l’Atlantique et deviendra un succès pour les STONES, au détriment d’Irma Thomas qui à défaut de gros lot n’aura le droit qu’à la ficelle du pompon.
Un titre se détache véritablement du lot : l’entrainant "Break -A -Way, une création de Jackie DeShannon, excellente auteure ayant la particularité d’avoir tourné dans un épisode de la série The Wild Wild West (Les Mystères de l’Ouest). Si c’est encore un amour contrarié dont il est question avec une femme incapable de quitté son bienaimé, Le rythme se révèle à la fois virevoltant et fait office d’un joli feu d’artifice en cloture d’album. Chez nous, Agnès Loti, éphémère chanteuse yéyé, chantera "Je pars sans regret" dont le texte dénaturait l’original.

Enfin décernons la mention du meilleur titre à "I Need Your Love So Bad", accrédité ici par erreur à Hermann Durham, chanteur des Vocaleers, en lieu et place de Little Willie John et de son frère Mertis. Les arrangements et l’orchestration poussent la chanteuse vers les sommets, un titre qui situe la différence de niveau et de feeling par rapports à divers repreneurs (Joe COCKER, Robert PALMER ou Sheryl CROW).

Occupé par le rachat d’Imperial par Liberty suite au départ de Fats DOMINO, Lew Chudd est passé complètement au travers de ce disque. Avec une promotion minimale, Wish Someone Would Care ne connaitra qu’un petit succès principalement dans le Sud. On n’ignore ce qu’il serait advenu si Irma Thomas avait enregistré pour la Stax, Atlantic et consorts. Surnommée The Queen Of New Orleans, Irma aurait probablement connu une carrière plus en phase avec son talent. Au tout début des seventies, établie à Los Angeles, elle décroche un job de vendeuse dans un magasin de pièces détachées tout en se produisant le week-end dans les clubs de la ville. Mais il arrive parfois que la chance tourne, la suite dans un prochain épisode.


* Titre homonyme à ceux de Little Feat, Bryan Adams et Tavares.
** Titre homonyme à celui chanté par Laura Lee.

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- Irma Thomas (chant)
- H.b. Barnum (orchestre et arrangements)


1. Wish Someone Would Care
2. I Need Your Love So Bad
3. Without Love (there Is Nothing)
4. Please Send Me Someone To Love
5. Another Woman's Man
6. Sufferin' With The Blues
7. Time Is On My Side
8. While The City Sleeps
9. Straight From The Heart
10. I've Been There
11. I Need You So
12. Break-a-way



             



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