Deux ans après un premier album ayant rencontré un accueil poli en Europe, mais dithyrambique au Japon, DREAMTIDE poursuit ses aventures, mené par le visionnaire et talentueux Helge Engelke, désireux de faire vivre son projet. Le bonhomme s’enferme ainsi plusieurs mois, en solitaire, afin de concevoir les morceaux amenés à constituer ce deuxième album enregistré par la formation allemande. Je suis un esprit simple, il ne se passe pas grand-chose dans mon cerveau, répond-il lorsqu’on lui demande quel est son processus de composition. Je ne me considère pas comme un compositeur. J’ai l’impression de simplement exprimer des choses qui, pour des raisons que je n’explique pas, ont grandi en moi en silence et que j’éprouve le besoin de révéler.

Les 12 morceaux qui constituent Dreams For The Daring ("Des rêves pour les audacieux"), de même que l’imagerie de l’album, s’inscrivent dans la continuité de Here Comes the Flood. Que ce soient les thématiques abordées, souvent orientées autour de l’onirisme, ou le visuel, présentant un attrape-rêve, devenu marque de fabrique du groupe, il y a ici une filiation naturelle. Néanmoins, cet album marque une évolution subtile vers des sonorités plus foncièrement rock, dénuées d’arrangements et de chœurs imposants, une 'radicalité' subtile qui n’est pas tellement du goût d’Avalon, la maison de disques japonaise du groupe, qui demande à ce dernier de retravailler et de 'polir' le mixage de certains morceaux. 'La maison de disque que nous avons au Japon était simplement trop trouillarde pour sortir Dream For The Daring tel que nous l’avions conçu', déclare alors Helge. Ceci explique pourquoi les versions limitées de l’album contiennent quatre morceaux dans une version remixée, plus mordante et moderne, qui sont en fait les mix originaux. Pas de quoi néanmoins crier au scandale puisque le son de l’album se fait, dans sa globalité, plus musclé et pêchu que celui de l’album précédent.

L’esthétique ne reste guère bouleversée, de même que la démarche et la proposition artistique. Simplement, DREAMTIDE a légèrement recentré son propos sur l’essentiel. La chanson, c’est la mélodie et les accords, affirme Helge. Pour le reste, les arrangements, c’est là qu’il faut réfléchir. Ici, mon objectif était d’atteindre un résultat qui prouverait la compatibilité entre les mélodies et l’énergie.
Le mixage de l’album met donc en avant cette volonté d’exprimer l’énergie de DREAMTIDE. "Dream Real", le morceau d’ouverture, constitue en ce sens un étendard de premier choix, puisqu’il combine parfaitement la beauté des mélodies composées par le sieur Engelke avec cette idée de délivrer une bonne dose de puissance et d’énergie. Il serait inopportun de sous-estimer l’importance de la performance du chanteur Olaf Senkbeil qui ne se laisse pas intimider par le mur de guitares proposé et place avec brio sa voix, chacune de ses intonations provoquant une myriade d’émotions. Un orfèvre du chant.

L’alambiqué "Live and Let Live" poursuit dans cette même veine, les claviers introductifs étant l’arbre qui cache une forêt de guitares. Ce titre up-tempo qui se fait d’une efficacité insolente malgré sa longue durée s’impose rapidement comme un des essentiels de ce nouvel album. On peut lui associer "Eden", titre porté par des guitares plutôt heavy, mixées avec des intonations arabisantes. Le refrain, doux-amère, illustre parfaitement le texte qui évoque la situation d’alors au Moyen-Orient. "Dreams are Free", malgré un tempo medium, est sans-doute un des morceaux les plus directs de l’album, porté par un riff de guitare moins céleste et éthéré que sur les titres du précédent album. Plus rugueux, le jeu de Helge Engelke reste néanmoins très subtil, à l’image des sonorités rock mélodique aériennes proposées sur "I’ll be Moving On", un titre en gamme majeure qui parvient malgré son aspect très positif à rester puissant. Evoquant la nécessité du changement, le morceau illumine l’album grâce à des mélodies particulièrement léchées. La complexité se retrouve sur des morceaux tels que "All of My Dreams", qui démarre comme une ballade acoustique avant de se faire plus audacieux dans sa deuxième moitié, le morceau gagnant en intensité à mesure qu’il se déploie. Peut-être moins efficaces, "I’m Not With You" et "Land Without Justice" bénéficient pour leur part d’arrangements plus fournis, tout en restant heavy dans l’esprit. Ils peinent malgré tout à se hisser au niveau des morceaux-clés de ce deuxième album. Il en va de même de "Out There", sympathique mais anodin, et du titre final "You Can’t Burn My Heart Out" qui ne dispose pas de la même envergure que les morceaux les plus réussis de l’album.

Gagnant en concision et en efficacité, DREAMTIDE propose un album plus ramassé et direct que son prédécesseur et échoue à peine à l’égaler, si ce n’est pour quelques morceaux plus faibles qui n’ont qu’un impact mineur sur l’appréciation générale de l’album. Continuant à œuvrer dans un style unique, le groupe porté par Helge Engelke livre ici une réalisation de haute qualité à même de séduire tous les amateurs de hard-rock mélodique. Le groupe est mis en sommeil peu de temps après la sortie de l’album, le guitariste participant à la reformation de son groupe FAIR WARNING en 2004. Néanmoins, cela ne signifie pas pour autant la fin de la belle histoire de DREAMTIDE.