Deux albums, puis le silence. L’explication est tout simple : après quelques années de pause, le groupe FAIR WARNING, port d’attache historique du guitariste Helge Engelke, décide de remettre le couvert. Les années 2005 et 2006 sont ainsi consacrées à l’enregistrement de l’album Brother’s Keeper ainsi qu’à la réalisation d’une tournée couronnée de succès, annonciatrice d’un succès prometteur pour le groupe allemand. Pourtant, le projet DREAMTIDE, s’il est en sommeil, n’est pas pour autant enterré. En effet pendant ce temps-là, le chanteur Olaf Senkbeil, qui enregistre alors des chœurs en studio pour un nombre importants de groupes de Heavy Metal prestigieux (SAXON, HELLOWEEN, HAMMERFALL, BLIND GUARDIAN…) s’embarque en tournée avec Uli Jon ROTH, l’ancien guitariste de SCORPIONS, au cours de laquelle il partage la scène avec le bassiste Francis Buchholz, ancien membre des arachnides précités. Ce dernier tombe sous le charme de la musique de DREAMTIDE, et à l’occasion d’une fête lui permettant de rencontrer Helge Hengelke, fait part au guitariste de son envie de prendre part au processus de composition et d’enregistrement d’un nouvel album du groupe. C’est un petit événement, car Francis Buchholz n’a alors mis en boîte aucun album depuis l’emblématique Crazy World des SCORPIONS, daté de 1990.

Le claviériste Thorsten Lüderwaldt et le batteur CC Behrens de nouveau partants, DREAMTIDE s’attelle donc à la création de ce troisième album qui, disons-le sans tourner autour du pot, est sans aucun doute le meilleur du groupe. Cinq années passées ont permis à Helge Engelke de concevoir, sans pression, quelques-uns de ses morceaux les plus inspirés tandis que le son de l’album combine le meilleur des deux mondes, conservant le côté onirique, subtil et enivrant, de l’album Here Comes The Flood et cette facette plus mordante et foncièrement hard rock de l’album suivant. Cet opus est à la fois le plus agressif et le plus éthéré créé par la formation, preuve de cette capacité à extraire l’essence et le meilleur des réalisations passées pour créer une un hard rock à la puissance et à la musicalité accrue.

Chaque chanson est un monde, mis en lumière par un son à la fois chaud et percutant. La guitare de Helge, du miel pour les oreilles, sert ainsi de catalyseur d’énergie sur la plupart des morceaux. Les riffs plaqués, plus nombreux que par le passé, donnent naissance à quelques morceaux originaux et dotés d’une identité très forte, à l’image du mid-tempo "Your Beat", ou du lumineux "To Everybody", idéalement passé en fin d’album pour relancer la machine et prolonger le plaisir. C’est bien simple, en alternant les tempi et les ambiances, DREAMTIDE donne naissance aux morceaux les plus aboutis et les plus mûrs de sa discographie. "Download a Dream" est un chef-d’œuvre combinant tous les points forts du groupe : envolées mélodiques d’une beauté indicible, chœurs imposants apportant une texture satinée et une profondeur supplémentaire au morceau, et la guitare céleste de Helge dont les saillies s’envolent aussi haut et aussi vite que cette… raie volante, qui orne la pochette de l’album. L’accomplissement est ici total.

Cerise sur le gâteau, il y a ici une intensité inédite, provoquée par les guitares et le chant versatile d’Olaf Senkbeil, ce qui donne une saveur nouvelle à des morceaux comme le percutant "The Vow" ou à l’introductif "A Fool’s Crusade", démonstration de force toute en subtilité. A côté de cela, de longues ballades pleines de feeling viennent équilibrer l’ensemble et poser un voile de douceur. C’est le cas de la splendide "Dancing When The Night Falls", teintée de blues, qui se voit transcendée par un splendide solo acoustique. Quel tour de force ! Dans une veine plus exubérante, quoique, "Help Me" se fait riche en émotions grâce à son mélange entre mélodies intimistes et riffs plaqués, un choc générateur de sentiments contradictoires. Un superbe morceau.

Tout ici est orfèvrerie. Un des meilleurs albums de hard rock mélodique de la première décennie de ce siècle incertain, Dream and Deliver est un accomplissement pour DREAMTIDE qui n’a jamais sonné aussi bien, de manière aussi percutante et flamboyante. Tous les morceaux valent ici leur pesant d’or, et l’on comprend fort bien comment Francis Buchholz a pu se laisser convaincre de participer à leur enregistrement. Puisque l’art vient du néant, DREAMTIDE propose ici une sorte de big-bang, mettant en place un univers qui, 15 ans après la sortie de l’album, ne cesse de s’étendre. Ce chef-d’œuvre n’est pas un rêve.