Le Heavy-Metal est devenu une véritable tour de Babel, au point d’en perdre aujourd’hui le premier mot qui le compose, pour un simple 'Metal' qui ratisse encore plus large. Autour de racines communes, le genre s’est fractionné en une multitude de sous genres à propos desquels les érudits se plaisent à disserter à l’infini. Au sein de ces innombrables chapelles, le Metalcore se veut un mélange de Heavy traditionnel et de Punk Hardcore, pour un résultat caractérisé entre autres par des riffs de guitare graves, agressifs et syncopés, une batterie jouant beaucoup sur une double grosse caisse ou la double pédale et un chant en général hurlé.

Créé en 1999 en Californie, AVENGED SEVENFOLD a longtemps été vu comme un digne représentant du genre, avant de s’orienter progressivement, et principalement à partir de l’album City of Evil en 2005, vers un Metal beaucoup plus traditionnel, une sorte de croisement entre IRON MAIDEN et METALLICA, mâtiné de GUNS & ROSES, et conservant simplement quelques réminiscences Hardcore (des bouffées de double grosse caisse bien speed notamment). Longtemps boudé et marginalisés par les amateurs de Heavy-Metal (en raison notamment d’un look pas tout à fait conforme aux standards et des surnoms un peu niais que se sont donnés les musiciens) le groupe a su tracer son chemin et s’imposer comme un des combos les plus créatifs et intéressants du lot. Malgré la perte tragique de leur batteur The Rev en 2009, les Américains sont parvenus à s’imposer notamment par la grâce d’albums souvent remarquables tant dans l’inspiration que dans l’exécution virtuose d’une musique complexe, dense et finalement souvent joliment innovante.

La sortie d’un nouvel album étant imminente, l’occasion me semble belle de se pencher sur The Stage, leur dernier opus en date, qui date déjà d’il y a près de sept ans, et qui mérite indiscutablement que nous y prêtions l’oreille tant il s’avère riche et prenant tout au long de ses 1h14. Mes profs de Lycée me disaient toujours que pour réussir une bonne dissertation, il fallait avant tout soigner son introduction et sa conclusion : nos Américains ont parfaitement retenu leur leçon tant "The Stage", le titre d’ouverture, et "Exist" qui ferme l’opus sont de grandes réussites. Le premier dans un style de Heavy-Metal très traditionnel, mélodique, épique et parfaitement maîtrisé, la palme revenant au jeu éblouissant du guitariste Synyster Gates et au chant puissant et lyrique de M. Shadows. Le second est un titre très progressif de plus de 15’, introduit par des claviers intrigants et subdivisé en plusieurs parties distinctes, toutes très réussies. On y trouve en vrac, passée l’intro, une séquence speed étourdissante, une accalmie très mélodique avec une belle partie chantée et une fin spectaculaire assortie d’une ébouriffante partie de batterie ; du grand art.

Si ces titres sont les meilleurs, les autres sont loin d’être négligeables, chacun ayant quelque chose d’accrocheur et original, tordant le cou à toute monotonie. Par exemple, sur "Sunny Disposition", on entend des instruments à vent en mode 'fanfare' pour appuyer le refrain sans que cela soit en rien incongru ; qui d’autre peut se permettre ce type de fantaisie ? Au rang des très belles réussites, citons "Higher" à la mélodie imparable et aux chœurs de toute beauté (accompagnés par un joli piano) sur le refrain, "Roman Sky" avec sa belle intro à la guitare sèche et sa mélodie imparable (avec orchestre classique, violons etc.), ou encore "Fermi Paradox" au rythme soutenu, aux guitares joliment harmonisées et aux vocaux parfaitement accrocheurs. J’aime beaucoup aussi "Angels" dans un registre apaisé de semi-ballade, alors que "Paradigm, God Damn, Creating God" et "Simulation" sont des titres également très intéressants, gorgés de nombreuses surprises (les couplets quasiment Jazz-Pop de "Simulation" par exemple).

Avec The Stage, AVENGED SEVENFOLD s’est donc ingénié avec bonheur à repousser le carcan d’un genre souvent trop formaté pour leur inspiration débridée, parvenant souvent à faire des mélanges les plus improbables un cocktail finalement savoureux, grâce notamment à leur bel art de la composition et à une production de très belle qualité. C’est indiscutablement la marque d’un grand groupe, et on ne peut que leur souhaiter de poursuivre dans cette voie tant de tels artistes sont nécessaires pour apporter leur écot de fraîcheur et de créativité. Bravo donc messieurs !