Des films d'angoisse ou de frayeur, à l'exemple de The Thing, la musique du réalisateur John Carpenter ou celle de Angelo BADALAMENTI, une mise en scène qui fleure bon les eighties, un décor à la Twin Peaks, voilà les images et les idées qui ont guidé Jason Köhnen pour ce Nights Of Lust. Et côté strictement musical, on retrouve une volonté de croiser la Synthwave et le Darkjazz.

Si l'esprit de la Synthwave est clairement identifié dans cette illustration typée années 50, et signée de l'artiste Rioz, ne vous attendez pas à plonger dans l'univers musical de CARPENTER BRUT, de Perturbator ou GosT, sous peine de déception. Jason Köhnen fait du jazz pour film noir, les synthés sont certes bien perceptibles, par exemple sur "Fade To Grey", et c'est sur ce titre que l'hybridation musicale se fait le plus sentir; mais tout ceci est assez léger. Sorte de synthpop jazzy, en vérité Nights Of Lust trouve plus sa place sur les étagères à côté de Bohren Und Der Club Of Gore, Senketsu No Night Club ou du Dale Cooper Quartet and the Dictaphones qu'à côté de Dance With The Dead.

La noirceur de l'oeuvre ne doit pas être prise au pied de la lettre. On perçoit clairement les influences du compositeur fétiche de David LYNCH et de son Twin Peaks, BADALAMENTI, sur "Absolution" notamment, l'ensemble est en définitive plus smooth que dark.

D'ailleurs, la majorité des titres sont chantés, mais en partie seulement, car les compositions laissent beaucoup d'espace à la musique ; peu expressive, la chanteuse (non créditée, Antonia Marquee ?) n'est pas sans posséder une sensualité discrète, ou timide, qui se noie dans le mix et flirte avec les frontières de la dream pop et du shoegaze. Cette sensualité est renforcée par des basses profondes et bien rondes qui n'attaquent jamais l'auditeur.

A ce titre "Darkness" est une belle réussite, l'orgue et les cordes pincées accompagnent cette jeune femme qui semble bien mélancolique. Images de la ville et de ses buildings, la nuit, en slow motion sur "Embrace the Void" ; prise de vue aérienne sur la skyline illuminée. La voix évanescente et lascive s'entremêle au saxophone. Néons clignotants roses sur le très érotique "Torture Garden" ; travelling lent, visions de film pour adulte. Il est trois heures du matin et les lumières de la mégapole projettent des stries sur le mur opposé où les ombres des corps s'enlacent et s'apprêtent à fusionner.

Dans l'entrée en matière de "These Nights" se dessinent en filigrane des éclats de notes de "Wonderful Life", le tube de Black de 1987, hasard ou hommage aux eighties, on émarge clairement dans la colonne synthpop. L'album se termine sur "Black Light" avec un beau moment, très atmosphérique, au saxophone.

L'ombre de David LYNCH plane sur Nights Of Lust, et ce mélange de désir charnel et de mort nous renvoie au Sunset Mission de Bohren Und Der Club Of Gore. L'album s'écoute agréablement mais possède une identité moins forte que les autres œuvres du LOVECRAFT SEXT. Il a en revanche l'avantage, tout au moins pour certains, d'être bien moins sombre et plus accessible que ce que le compositeur hollandais a pu réaliser par ailleurs sous ce nom.

Note : 3.5/5.