En 2010, HAKEN déboule avec ce premier opus d’une folle ambition : 72’44 de métal progressif de haut vol et un concept album, on fait plus simple pour des débuts. Quoique tous très jeunes, les Londoniens ne sont pas cependant totalement vierges d’expérience, le guitariste fondateur Richard "Hen" Henshall ayant officié au sein du combo To-Mera. Il fait notamment appel en 2007 au chanteur Ross Jennings et au guitariste Matthew Marshall (qui quittera le groupe avant la sortie du premier album); ils baptisent le combo HAKEN, du nom d’un personnage fictif inventé lors de leurs délires estudiantins.

Aquarius, leur premier album paru en mars 2010, révèle une formation puissante et impactante, quoique encore très influencée par ses prestigieux aînées, DREAM THEATER en tête qui, à l’époque, venait de sortir l’opus Blackcloud & Silver Lightning. La filiation est évidente à plusieurs niveaux : le choix d’une musique ample, complexe (on parle parfois de 'Math Rock' à propose de HAKEN), souvent épique, pleine de rebonds, et recélant quelques 'surprises' (certains parleraient d’incongruités) notamment dans les lignes de claviers de Diego Tejeida dont la filiation avec le style de Jordan Rudess saute souvent aux oreilles.

Aquarius ne peut cependant se résumer à ce haut parrainage stylistique : la personnalité et la signature du groupe transparaissent déjà dans sa capacité à trousser de splendides mélodies et à générer de fortes émotions, par la grâce, notamment, d’un chanteur que l’on devine déjà exceptionnel. Ron Jennings brille dans tous les registres, en voix de tête le plus souvent comme dans les tonalités les plus graves (il se permet même quelques growls parfaitement maîtrisés). Et comme ses complices sont tout sauf des manches (de guitare bien entendu), le combo se permet toutes les extravagances et audaces stylistiques, passant du métal le plus dur à des passages jazzy ou à des ambiances de manèges, sans oublier de donner à ses compositions une forte dimension progressive.

L’histoire joliment illustrée par une pochette saisissante et réussie, est celle d’une enfant née avec des nageoires, abandonnée dans un ruisseau par ses parents et recueillie par un pêcheur. Il s’agit en fait d’une sirène qui sera un temps exhibée comme un monstre de foire, avant de représenter l’espoir d’une humanité accablée par un déluge.
Ce thème très romantique et sombre autorise le groupe à développer des ambiances noires et mélancoliques, notamment dans le superbe "The Point Of No Return", sommet artistique de l’album grâce à sa mélodie profonde et superbe. Sur ce titre, je ressens une filiation très nette avec le "A Nightmare To Remember" de DREAM THEATER . "Aquarium" est mon second titre préféré de l’album, avec ses synthès d’intro très atmosphériques (j’ai parfois l’impression d’entendre du JARRE), ses jolis arpèges de guitare et la beauté de ses lignes vocales.
En seconde partie, le naturel revient au galop, et l’exercice devient un peu plus démonstratif mais reste parfaitement digeste. "Celestial Elixir" est la pièce de résistance de l’opus : 16’56 de pure musique progressive qui vient synthétiser, avec une belle maîtrise et beaucoup d'emphase, les principaux thèmes de l’opus. Sur "Streams", HAKEN tisse de fortes alternances entre l’ambiance légère et virtuose de la première partie et la noirceur de ce qui suit. "Eternal Rain" est assez épique et très cinématographique, "Drowning In The Flood" affiche certains passages quasi symphoniques et "Sun" représente une belle et agréable respiration dans le disque avant le grand final.

Dès ce premier album, on devine, malgré les imperfections et petits pêchés de maturité relevés de-ci de-là, qu’on a affaire à un combo sur lequel il faudra compter dans les années à venir, un groupe ayant les moyens de satisfaire ses hautes ambitions et qui devrait nous réserver de belles surprises, ces prochaines années.

Note de 3,5 maintenue à 3 pour laisser de la place aux meilleurs opus qui suivront.