1971 et 1972 sont les années du déclin fulgurant des ARCHIES, avec un producteur protecteur qui lâche littéralement l'affaire, plusieurs singles qui n'entrent même plus dans les charts. Le groupe a suivi tant bien que mal la diffusion du programme TV auquel il demeure affilié (Archie Show arrêté en 1969 est devenu Archie's TV Funnies en 1971), mais celui-ci vivotera seul pendant la décennie, en parallèle à une héroïne connue des ados américains depuis le début des années 60, à savoir Sabrina l'Apprentie Sorcière. D'abord liée aux Archie Comics en matière de distribution, les deux se retrouvent même ensemble en série animée à la fin des seventies, avant un long sommeil.

This Is Love est donc l'album supposément final des ARCHIES, sans le concours de Jeff Barry, homme à penser qui a beaucoup contribué au succès par son écriture comme ses choix. L'album met en exergue un ton fleur bleue mais semble plus 'adulte' par de nombreux aspects ; serait-ce là une raison de son manque de succès ? Dommage car la pochette est plutôt appréciable, moins passe-partout que celle de l'album précédent ! D'un autre côté, on peut comprendre la perte du public face à un style musical moins évident, plus chargé par moments.

Ron Dante le chanteur, incarnation vocale d'Archie Andrews, met la main à la pâte d'un point de vue composition, l'album est marqué par le songwriting du tandem Bob Levine-Ritchie Adams. Ce dernier est à l'origine du tube "Tossin' and Turnin'" de Bobby LEWIS et également producteur ici remplaçant de Jeff Barry. Autant cela donne du bon, comme du varié, rien que sur les trois-quatre premiers titres, le léger et lumineux "This Is Love", au contraire le nerveux "Easy Guy" ou encore la très belle ballade folk-baroque "Should Anybody Ask", les trois usant différemment du talent de Dante, autant ce cinquième disque s'égare aisément sur des terrains r'n'b/soul music trop poussés.

S'il est tout à l'honneur des ARCHIES de prendre de nouvelles directions, à commencer par une intro rollingstonesienne de l'époque comme celle de "What Goes On", les cuivres ajoutés à ce même morceau donnent une couleur particulière, encore appréciable pour orner un solo de flûte traversière. En revanche, l'effet est déjà plus lourd sur "Hold On to Lovin'", titre soul pourtant bien balancé, de même que sur la conclusion folk latine de "Throw a Little Move My Way". Des chansons convenables, auxquelles on peut préférer sans mal (ni cuivres) le rock'n'roll "Little Green Jacket" (au riff piqué directement à Chuck BERRY), l'excellente "Carousel Man" à l'ambiance effrénée, la country-crème de "This Is the Night" et la plus rose "Maybe I'm Wrong".

Jeff Barry n'est crédité que pour un titre, comme Andy Kim, bref l'équipe gagnante du hit tout-terrain "Sugar, Sugar", et qui vient quelque peu sauver les meubles pour ce qui est de garder plus que tout autre ici le public amateur des débuts. Et sans trop de surprise, c'est le meilleur morceau du disque. "Together We Two" a beau être un single avant-coureur, signe des derniers temps avec l'ancienne équipe, ce folk élancé avec basse, tambourin etc, ensoleillé et joliment mâtiné de marimbas + steel drums, propose un brillant duo garçon-fille (Dante et Merle Miller) comme il n'y en a que trop peu eu au sein des ARCHIES, pourtant groupe mixte de base. Une sacrée perle !

De quoi bien terminer (?) la carrière du groupe pour l'époque, un peu mieux que les trois singles méconnus, ultérieurs et hors album de 1972. "Love is Living in You" reste le seul titre non chanté par Ron Dante, remplacé par Ritchie Adams et Bob Levine, et dans une veine curieusement très proche des MOODY BLUES. Meilleure est "Strangers in the Morning", qui montre que de nouvelles directions d'écriture et d'arrangements peuvent sonner plus adaptées (y compris dans l'emploi des cuivres) que d'autres plus visibles. Enfin, avec "Plum Crazy" (tube mineur au... Danemark !), on essaie de nous refaire le coup de "Sugar, Sugar" de manière tellement visible malgré les nouveaux arrangements que c'en est drôle. Et cependant le résultat demeure très bon ; on peut se demander où Mike OLDFIELD tiendra cette formule du recyclage, mais souvent pour du mieux.

On le sait, malgré de tels aléas, les ARCHIES n'ont pas fini de faire parler d'eux, en histoire certes, mais aussi, de façon moins populaire, en musique.