Il est temps d’assumer mes goûts les plus cachés. Auparavant, nous appelions cela nos écoutes honteuses. Donc c’est parti avec mon idole d’enfance, le sémillant DAVE, nom de scène du Hollandais Woutter Otto Levenbach, un esprit libre et enjoué, plein de dynamisme, mignon blondinet au joli sourire et à l’allure cool, à l’accent étranger bien sur, ce qui lui donne une image 'américaine', encore un must dans l’hexagone où Joe DASSIN fait les beaux jours des shows télévisés du samedi soir.
DAVE va mettre une dizaine d’années pour percer et obtenir un deal avec CBS. Tout débute donc en trombe avec l’aide de son compagnon dans la vie, Patrick Loiseau, qui est aussi son parolier, ce que personne ne sait bien évidemment.

Personne ne le sait, alors il faut user d’artifices pour embrayer car notre DAVE va chasser sur les terres des midinettes, et il faut que ces dernières se pâment devant les beaux yeux bleus de notre artiste. Alors, c’est le compagnon à 4 pattes du couple Dave-Loiseau qui pose sur la couverture pour donner le change. En effet, à l’époque, il le fallait, assumer aurait été complexe ; son premier 45-tours s’intitulait pourtant "Copain, ami, amour" et portait en lui une évidente revendication.

C’est à la mi-74 que sort "Trop beau", reprise francisée du super tube des RUBETTES "Sugar Baby Love", un standard de ces années. Bien sûr, elle est conforme à l’originale d’autant que notre chanteur est capable de faire le fausset d’introduction. Il manque la vibration boogie que les Anglais étaient capables de créer grâce à leur maîtrise instrumentale. Le traîtement est donc plus pop, quasi variété avec les adjonctions orchestrales. Mais c’est prometteur, un immense succès dans les tops !
DAVE montre aussi qu’il est un fan de rock’n’roll en reprenant un des classiques du genre, le "Runaway" de Del SHANNON. Il fait à nouveau l’étalage de sa fabuleuse voix en imitant le solo d’orgue à la voix, rien que ça. Cela sonne français et variétise le titre, impossible de le voir autrement, mais la performance est belle, "Vanina", c’est son premier numéro un.

On ne fait pas les choses à moitié, alors on assassine le hit-parade avec une avalanche de 45-tours. Le suivant est "Mon coeur est malade", écrite pour le chanteur, qui entre de plein-pied cette fois dans la variété avec une vibration qui n’est pas si loin que cela d’un CARLOS à la même époque. Le résultat est une fort belle 4ème place. "Dansez maintenant" est la reprise de la "Moonlight Serenade" de Glen MILLER, pas difficile de bien faire avec une telle mélodie, mais la performance du chanteur néerlandais francophone est de tout premier ordre. Il s’y signale par la puissance de sa voix et le smooth de son interprétation. 5ème en France mais 2ème dans son pays où il est pour une fois prophète.

Le single suivant est "Du coté de chez Swann", une merveilleuse bluette aux paroles étonnantes de Patrick Loiseau, qui se rappelle au bon souvenir de Marcel Proust en lui empruntant nombre de titres de ses livres, c’est fort et atteint la 3ème place. Imaginez donc un tel traitement aujourd’hui. Personne ou presque n’y comprendrait un mot. On en termine avec la courte mais mignonne "Ophelie" qui propose aussi le terme romantique de la célèbre suicidée, avec un orgue qui doit tout au "Whiter Shade Of Pale", qui devait tout lui-même àJean-Seb.

Difficile d’aligner les autres titres sur les singles : une petite gratte folk embraye avec "Fais-moi l’amour", qui pourrait sonner countrypolitan, nonobstant le français. L’ensemble a bien mal vieilli. On atteint les tréfonds de la variété avec "Dimanche avec toi", une terrifiante bluette qui ne connut pas la postérité et pour cause ! Nous continuons dans la guimauve amoureuse avec "N’importe quoi pour toi" qui n’est pas désagréable grâce à la voix du blondin. "Il n’y a pas de honte à être heureux" est toutefois plus sympa, avec quelques instruments à vent et "Après tout" s’aligne sur une ambiance disco de belle allure avec sa gratte hypnotique, j’aime bien. Il y a aussi un brin de doowop rock’n’roll sur "Amoureux" qui provoque gaieté et bonne humeur. Allez, elle est écoutable.

Pour un vrai premier album – puisque un best of antérieur de ses 45-tours devra aussi être traité -, il faut admettre que le succès est carrément au rendez-vous. Plusieurs titres vont passer le cap de la postérité et la voix du Hollandais a fait mouche. C’est cela devenir une star du jour au lendemain. DAVE devient un habitué des numéros Un de Maritie et Gilbert Carpentier le samedi soir, émissions qui firent bien des fois le bonheur de mes grands-mères. Question notation, nous voilà dans une impasse bien complexe. Les présences de "Du côté de chez Swann" et de "Dansez maintenant" sont des must à titre personnel, mais il m’est difficile d’aller chercher le 4 pour ce premier opus qui s’articule essentiellement autour de reprises, c’est donc un 3 très recommandable.