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- Style : Roddy Woomble , Séan Mccann , Bap Kennedy , Alistair Ogilvy
- Membre : Oysterband

Ray COOPER - Even For A Shadow (2024)
Par GEGERS le 6 Mai 2024          Consultée 815 fois

Comment se renouveler ? Comment continuer à s'amuser à créer, concevoir, enregistrer lorsqu'on est, comme Ray COOPER, un artiste essentiellement solitaire ? Avec quatre albums dans sa besace, et d'innombrables tournées à travers l'Europe, à jouer dans des lieux autant accueillants qu'improbables (dont nombre d'églises), l'artiste à la voix râpeuse poursuit depuis sa Suède d'adoption une carrière à la fois discrète et suffisante, construite sur une musique à laquelle il serait réducteur d'accoler l'étiquette "folk". Alors que les vétérans d'OYSTERBAND, avec lesquelles Ray a officié de nombreuses années durant, ont décidé de tirer leur révérence, savoir que le britannique continue de porter haut le flambeau d'une musique à la fois universelle est singulière est rassurant et réconfortant.

Reste le besoin et l'envie de créer, de rester fidèle à une identité musicale tout en évidant la redite. Ray COOPER y parvient sur ce cinquième album dont le titre comme le premier morceau sont une célébration mélancolique de la vie sur la route. Even For a Shadow, "même pour une ombre". Car c'est ce qu'il reste une fois que le bruit des voitures s'est tu, que les paysages ont fini de défiler de part et d'autre de l'autoroute, que les lumières blafardes se sont éteintes. L'artiste est cette ombre, qui se faufile et s'imprègne des lieux, marque les esprits, réchauffe les chœurs, avant de s'en aller poursuivre cette vie qu'il affection. Le morceau, folk pur jus, est construit autour de la dualité guitare acoustique et violoncelle, le ciel et la terre, sur laquelle s'épanouit les mélodies vocales à la fois pures et rugueuses d'un artiste qui se reconnait plus comme un interprète que comme un chanteur, à l'image d'un Leonard Cohen.

L'album accorde une place moins prédominante au violoncelle, pourtant instrument de prédilection de Ray COOPER. Le violoncelle est toujours présent, naturellement, comme une sorte de colonne vertébrale, mais une place bien plus grande est laissée au piano, qui porte par exemple la mélodie du morceau-monde "Falling Like Thunder". Ce titre interprété en "spoken word" (à l'exception de son refrain), petit frère de "The Beast" sur l'album précédent, évoque avec brio et intensité les leçons perdues d'un passé vite oublié, la déroute d'une humanité qui se jette vers le chaos comme on se jette dans la gueule du loup. "Wind and Steel", avec son piano, toujours, surprend par une section de cuivres qui apporte une ambiance chaleureuse à ce titre entraînant, duo avec la chanteuse Sunniva Bondesson. Cette histoire de road-trip dans le désert est un mariage heureux entre ces instruments de nature diverse (piano, guitare, cuivres, harmonica) qui ensemble créent un titre qui, d'une mélancolie initiale se transforme en une célébration de la vie. Ce duo nous rappelle l'époque OYSTERBAND et les participations de la regrettée Rowan Godel (qui a également participé aux albums solo de Ray), dont le chant pur et mutin enrichissait les morceaux, comme le fait la voix de Sunniva Bondesson sur cette chanson qui aurait pu être interprétée par Bob Dylan et Joan Baez.

Le folk viscéral de "The Sky Was Black With Diamonds" est une autre excellente surprise. Le violon celtique de Ben Paley apporte de superbes motifs mélodiques à ce titre par ailleurs très humble, sur lequel une guitare acoustique et le chant de Ray Cooper évoquent le passé familial, le chemin parcouru, les regrets et les non-dits. Intime, ce morceau est un joyau brut. Un qualificatif qui s'applique également à "Going Underground", duo avec la chanteuse Kathryn Roberts. A nouveau, le piano est au centre des débats sur cette ballade qui évoque le destin forcé de ces amoureux du confinement, confronté à un choix : rester éloignés des mois durant, ou faire confiance à leurs sentiments, et s'enfermer ensemble. Les deux voix, de même que l'apparition sur la deuxième partie du morceau d'un violoncelle grave et intense, donnent à ce titre une superbe et une intensité savoureuse qui peut rappeler le morceau "Palace of Tears" publié en 2014 sur l'album du même nom. Une splendeur.

La deuxième moitié de l'album voit Ray COOPER témoigner de son attachement aux mélodies traditionnelles. "Bonaparte's Retreat", marche d'origine irlandaise, rendue populaire durant la Guerre de Sécession, est un instrumental assez solennel, porté par un tambour militaire, un violon et surtout une nyckelharpa, instrument à cordes frottés typiquement suédois, qui donne à ce morceau une savoureuse ambiance nordique. L'artiste revisite également le traditionnel "Black Is The Colour", une vielle ballade fruit d'un mélange entre cultures écossaises, irlandaises et américaines, popularisée par Nina Simone, Christy Moore ou encore Joan Baez. Ray COOPER effectue ici un rapprochement avec "En Vacker Vän", un vieux titre suédois aux paroles et à la mélodie similaire, et invite la chanteuse Emma Härdelin pour interpréter plusieurs couplets de ce morceau dans la langue de Björn Borg. Le résultat est d'une beauté brute et universelle.

Plus sombre "The Wind" met de nouveau le violoncelle au premier plan, cette fois-ci accompagné d'un piano. Ce morceau est une clameur, dont l'ambiance gothique et le texte peuvent rappeler le poème "The Raven" d'Edgar Allan Poe. Entre mystique et réalité, la dureté de l'absence se fait ici percussive et bouleversante. L'album s'achève en douceur avec "When We Reach the Sun", ballade aux ambiances à la fois pesantes et éthérées, qui évoque avec tendresse la perte d'un ami cher. "No need to be someone when we reach the sun", déclare avec retenue Ray COOPER sur ce titre au piano lourd. "Adios", reprise de l'artiste américain "Jimmy Webb", s'éloigne des sonorités pop/soul de la version originale pour aborder des rives folk moins emphatiques.

En renouvelant légèrement son approche, Ray COOPER propose avec Even For a Shadow un album qui voit l'artiste britannique s'inscrire dans une tradition folk qui offre un large espace de liberté, permettant de mêler cuivres et nyckelharpa, piano et violoncelle. Les trois duos splendides ici présentés, les reprises de titres traditionnels et les quelques pièces instrumentales soutiennent avec brio les compositions personnelles d'un artistes qui, comme sur chacun de ses précédents albums, dégaine des mélodies fortes qui, mises bout à bout, constituent un ensemble d'une richesse savoureuse. Le folk en bandoulière, Ray COOPER propose un cinquième album qui lui permet de renouveler son style tout en s'inscrivant dans la droite lignée de ses prédécesseurs. Pour un résultat de même qualité.

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   GEGERS

 
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- Ray Cooper (chant, violoncelle, guitare, kantele, harmonica)
- Kathryn Roberts (chant)
- Sunniva Bondesson (chant)
- Emma Härdelin (chant)
- John Eriksson (batterie)
- Gustav Andersson (piano)
- Ben Paley (violon)
- Anders Peev (nyckelharpa)


1. Even For A Shadow
2. Falling Like Thunder
3. Wind And Steel
4. The Sky Was Black With Diamonds
5. Going Underground
6. Sir Patrick Spens
7. Bonaparte's Retreat
8. Black Is The Colour/en Vacker Van
9. Tynne Laine
10. The Wind
11. When We Reach The Sun
12. Adios



             



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